Page:Bazin - La Terre qui meurt, 1926.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, par exemple ! Tu n’as rien raconté ! Comment ton père s’est-il expliqué avec toi ? Et de François, que sais-tu ? Et Mathurin, que pense-t-il ? Reste, ma belle ; dis-nous tout ça, et ce qu’il faut dire à Jean Nesmy !

Comme des perdrix blotties dans un sillon, plume contre plume, quand la nuit tombe sur les champs, les trois femmes se groupèrent de nouveau, étroitement pressées, au fond de la boutique. Les mots, les regards, les sourires, le geste de la main, les larmes quelquefois, tout ce qui montre une âme allait de l’une à l’autre, et trouvait deux échos. Un murmure joyeux flottait dans la chambre des vieilles filles. Un peu de fièvre agitait Adélaïde. Véronique, sans vouloir le dire, s’inquiétait déjà de rester seule. L’heure passait. Des voisins, en éteignant leur lampe, disaient : « Comme elles veillent tard, mesdemoiselles Michelonne ! Le travail donne, dans leur métier ! »

Le bourg était tout silencieux, tout noir sous la pluie devenue glaciale, quand Rousille, sur le perron d’angle, se sépara de ses tantes. Des deux côtés, la même parole servit d’adieu. Adélaïde la dit d’abord. Rousille la répéta. Et c’était une promesse. Et c’était un remerciement.

— Demain matin !

— Demain matin ! »




XVI

LA NUIT DE FÉVRIER


Lorsque Rousille eut traversé la cour et pris le chemin de Sallertaine, le métayer sortit de la grange. Il retrouva le valet, qui avait retiré du feu la marmite, et, assis sous l’auvent, silencieux comme de coutume, rassemblait, du bout de ses gros sabots, les tisons à demi morts, couchés le long des chenets. Au fond de la