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devrai lui avouer que je ne frémis pas, que je ne prie pas, que je ne pleure pas, sauf sur elle, c’est-à-dire sur moi… Suis-je obligé de raconter cela ? Est-ce qu’il n’y a pas des heures de sécheresse pour les saints eux-mêmes ? » Il détourna les yeux, avec plaisir, les ramenant vers cette assistance qui ne l’obligeait pas à un effort de l’esprit. Mais des pensées non moins cruelles l’assaillirent : « Je n’ai pas été ainsi toujours. Une source est tarie en moi. Des mots qui ont été pleins se sont vidés de leur contenu. Je sens, à la froideur de mon cœur, que la fraternité est détendue entre moi et tous ceux-ci qui adorent. Je ne suis plus l’un d’eux. Ce n’est pas de ce soir que je constate le changement, mais quelle évidence, pour la première fois ! » Et alors, la question revenait, insistante, cruelle : « Devrai-je avouer à Marie cette expérience que je tente aujourd’hui et cette inertie de mon âme ? » Il n’était pas distrait ; il aurait voulu ne pas être seul indifférent, et tantôt il considérait un des hommes ou des jeunes gens agenouillés, tantôt un autre. Tout adorait. Parmi les assistants, il y en avait un tout près, qui ne remuait pas les lèvres, mais qui ne cessait de tenir la