Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/222

Cette page n’a pas encore été corrigée

Réginald contemplaient un spectacle également nouveau pour chacun d’eux. Réginald se trouvait en avant, dans la demi-lumière, et Félicien, derrière lui, près de l’escalier qui conduit du souterrain à la nef supérieure. Ils étaient immobiles, à peine visibles, en dehors du demi-cercle, fortement éclairé, que forment devant l’autel les colonnes trapues et rapprochées. Or, dans cette niche lumineuse, à leur droite, quarante hommes adoraient. Leur chef, le fraternel Louis Proudon, debout à côté de la balustrade de l’autel, clignant les yeux, orientant vers la lampe électrique le livre qu’il tenait à la main, lisait la prière du soir. Et soudain, les quarante voix répondaient, si rudes, si éraillées, si peu pareilles aux voix des salons : voix de la foule qui crie, qui boit, qui jure, qui menace, et qui priait.

Puis les hommes chantèrent un cantique, et, agenouillés ou assis, ils adorèrent avec des mots muets, qu’ils ne devaient pas inventer, mais recevoir de Celui qu’ils regardaient, ou retrouver dans leur mémoire des temps lointains. Comment auraient-ils inventé ? Que savaient-ils au delà de la misère et du besoin