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de faire une visite à l’un des juges du concours diplomatique, qui demeurait dans un hôtel de l’Avenue du Bois-de-Boulogne. L’accueil avait été flatteur, la conversation toute dans l’avenir, toute pleine de prophéties qui n’obligent point le prophète à de grands efforts de dévouement : « Vous êtes le premier, et le concours était très brillant. Laissez-moi vous dire ce que m’a dit le ministre, que je voyais ce matin. Ceci entre nous, n’est-ce pas ? Il se félicitait de votre succès. Un nom sans coupure, me disait-il, et des façons de gentilhomme : c’est ce qu’il faut dans une démocratie. Les vieilles familles sont précieuses, mais jamais assez sûres. Elles ne nous doivent pas tout. Ce jeune homme m’a fait la meilleure impression… » Des mots servis à beaucoup d’autres, un verre de cerisette officielle. Félicien les avait goûtés. Il était jeune. Mais très vite, à peine sorti de l’hôtel, il était revenu à d’autres pensées, à d’autres mots, dont le pouvoir dépassait celui même des éloges. Angoisse du cœur, inquiétudes pour l’amour menacé, il souffrait cela d’abord ; mais la pire torture, c’est qu’il se demandait : « Devrai-je me condamner moi-même ? Me déclarer déchu ?