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l’âge incertain où le sourire de Marie avait changé, petit fruit qui reste vert et qui se colore déjà, Marie qui avait des regards qui tiennent à distance, et la fierté du royaume des pensées virginales ; il l’aimait maintenant d’un amour craintif, inquiet, jaloux ; il la savait si différente de la plupart des jeunes filles avec lesquelles il flirtait dans les bals, cette cousine qui était instruite et qui n’avait aucun brevet, cette très jolie femme qui était simple, cette Parisienne épanouie dans un monde d’élite, religieuse, très décidée, très nette, et qui jugeait avec une sévérité jeune, et juste, il le comprenait bien, les relations mêlées de la famille Victor Limerel. Qu’une jeune fille de vingt ans, douée comme elle, restât longtemps sans être aimée, demandée, conquise, ce n’était pas possible. Il avait souffert de cette absence de six semaines, de ce voyage en Angleterre dont il n’avait rien connu. Qui avait-elle rencontré en route, qui là-bas, et quelles influences nouvelles s’étaient emparées peut-être de ce rêve qui cherche son maître, toujours, partout ? Cette crainte était une des causes secrètes qui avaient décidé Félicien à ne pas tarder et à interroger Marie.