Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/129

Cette page n’a pas encore été corrigée

entrait quelquefois pour attendre que l’heure sonnât d’un rendez-vous de couturière ou d’amie, elle s’inclinait profondément, et immobile, cachée sous son chapeau, elle soupirait, elle formait quelques résolutions, recommandait à Dieu les êtres qu’elle aimait, son fils surtout, un examen, un projet de mariage, une amie malade ou ruinée. Ceux qui la voyaient ainsi la jugeaient pieuse, et elle n’eût pas protesté, si on eût dit devant elle : « Vous qui êtes si pieuse, ma chère… » Elle avait la bonne foi de l’énorme ignorance.

Telle était la compagne dont M. Limerel administrait souverainement la fortune, les démarches, les conversations et la plupart des pensées. Elle redoutait la forte voix de son mari, son assurance, ses arguments, ses citations, ses objurgations, ses plaisanteries, son mépris, et, quand elle ne cédait pas, ses colères. Elle le trouvait tyrannique, et elle l’aimait. Sa timidité, l’habitude et un peu d’admiration, la faisaient céder très vite, et aisément, et sans regret. Elle n’était pas toujours convaincue, mais puisque M. Victor Limerel commandait, ne fallait-il pas obéir, maintenir la paix, au prix