C’était à l’aube. — Au ciel montaient des rayons fauves.
À travers le brouillard par le jour dispersé,
De longs vols d’alcyons et déclatantes mauves,
Passaient, rasant la mer de leur vol cadencé. —
Des pêcheurs sous la voile aux plis teints par l’aurore
Relevaient leurs filets ; — de leur groupe éloigné,
Un homme au front pensif songeait, songeait encore
Sans regarder le flot de lumière baigné.
Des clameurs ! — Il tressaille et sa pensée errante
Revient. — Il voit parmi le poisson argenté,
Ce vase, que la vague horrible ou murmurante,
Dans son sinistre sein avait longtemps porté.
Donnez-le-moi, dit-il. — Avec sa teinte sombre,
Ce vase, de mon cœur est bien l’emblème et l’ombre.
Plus tard, quand au combat cenduit par le devoir,
La mort vint lentement le couvrir de son aile,
Ce fut le souvenir qu’il fit remettre à celle
Qu’il aimait, et jamais ne devait plus revoir !…
Et voilà donc pourquoi, lorsque je te supplie,
Ô ma chère adorée, une larme descend
De tes yeux de velours sur ta lèvre pâlie…
Tu regardes ce vase et songes à l’absent !
Le Fauteuil de ma Grand’Mère
ussi loin que me reportent mes souvenirs d’enfance,
je vois la grande croisée aux vitres
étroites, s’ouvrant sur le jardin où je jouais
insoucieuse avec ma petite sœur, ou nous poursuivions
sous l’ardeur du soleil les papillons aux
ailes brillantes. Une vigne l’entourait de ses rameaux serrés ;
en automne de lourdes grappes pendaient devant elle, et montant
sur les genoux de l’aïeule assise dans sa grande bergère, je
me hissais jusqu’aux grains dorés et les mordais de mes dents
pointues comme celles d’une jeune souris. La chambre était
située au second étage, et non seulement de cette croisée on
plongeait sur toutes les allées, sur la pelouse où traînaient les
branches élégantes d’un jeune sapin, mais on apercevait à
droite la colline chargée de pommiers, qui s’inclinait gracieuse,
et la verdure des arbres de la côte plus lointaine qui
fermait comme un rideau cette riante perspective.