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est telle qu’elle n’éteint pas toute la vie, certes pouvons-nous nous prévoir éternellement amis.

Au reste, si cet espoir de survivance n’est que leurre, nos livres, qui ne s’éteindront pas, témoigneront du moins par la flamme qu’ils projettent sur mainte dédicace que notre marche sur les routes du travail fut d’accord, et que nous nous sommes voués l’un à l’autre comme de francs et clairs compagnons.

(Dédicace au Bestiaire, l’un des cinquante volumes offerts à Camille Lemonnier le 8 mars 1903. L’Idée Libre, 15 mars 1903.)



De Georges Rency


Au physique, Camille Lemonnier est un beau mâle. Grand, solidement charpenté, les membres robustes, le port altier, la face ardente, c’est un superbe échantillon d’humanité. À cinquante ans passés, il garde la force et l’apparence de la jeunesse. Ses cheveux d’un châtain presque roux ont conservé leur coloration vivace et chaude. Derrière les verres à peine teintés du lorgnon, ses yeux gris, tour à tour violents, passionnés, aigus et doux, jouent comme à vingt ans leur jeu mobile et vibrant. On y sent l’intelligence aussi nette, la sensibilité aussi aiguisée, le cœur aussi émotif, l’âme aussi profonde. Ce sont des flammes immuables dont la durée ne ternit pas l’éclat. Les traits du visage, bien musclés, ne sont ni empâtés, ni bouffis. Pas de rides. Une peau fraîche, l’enveloppe souple d’une chair puissante. Au-dessus des lèvres sanguines, d’un dessin correct et ferme, une moustache blonde, d’allure batailleuse, donne à l’ensemble de la physionomie quelque chose de militaire. L’aspect général, d’ailleurs, est agressif et hautain. Tête en avant, chevelure en broussaille, regards dardés, mous-