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entre nous question d’une entrevue. Elle eut lieu vers les premiers de juin, aux alentours de la porte de Hal, à Bruxelles, en Brabant, d’où le conteur, à qui nous sommes redevables de ces Charniers, dont demeurera longtemps transi quiconque les aura parcourus, est originaire. Il suffit parfois d’un coup d’œil entre eux échangé pour que deux hommes étrangers jusque-là l’un à l’autre s’aiment ou se détestent. Or, si je ne parus pas être désagréable à qui m’accueillait à bras ouverts en son modeste paradis, où dans le giron de sa tendre compagne rutilaient les flamboyantes chevelures de deux petits anges féminins, s’il sied d’attribuer un sexe à ces créatures immaculées ! il est certain que lui me plut beaucoup. Imaginez le plus authentique des Wallons malgré sa structure germanique et son teint de Batave ; un magnifique poil-roux aux yeux smaragdins, haut en couleur et découplé comme le Tombeau-des-Lutteurs lui-même, mangeant, buvant, tapant comme un flamingant d’Audenarde ou d’Alost, avec des jovialités rabelaisiennes et des outrecuidances castillanes, mais souriant aussi comme un pur parisien…

(Préface pour la réédition des Charniers, Lemerre, 1881.)



De Albert Mockel


Au lieu de rester l’écrivain largement notoire et respecté qu’il est simplement, M. Lemonnier aurait connu sans doute une célébrité plus tumultueuse s’il n’avait eu un respect trop profond de son art. Il aurait dû refaire chaque année le même livre ; il serait devenu ainsi le producteur régulier, le commerçant dont on cite l’enseigne, et qui livre « de confiance » une