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dans le souvenir, de la vie profonde et ardente des créatures modelées selon la vie.

Ces deux romans, sont fixés par un psychologue expert et par un maître peintre des traits permanents de la race, des aspects de la conscience et du sol, des types et des mœurs originaux, revêtent, au point de vue national, une signification exceptionnelle.

Entre ces deux évocations de la Flandre rurale et urbaine deux œuvres avaient pris place. J’incline à penser que la première. Le Sang et les Roses, n’est pas absolument réussie. J’en découvre l’idée très belle ; mais précisément je la vois trop, et elle ne me semble pas assez réalisée dans la vie de l’art. Un mari s’immole, après de longues résistances intimes, au désir profond de maternité, qui est en tout l’être de sa femme, et laisse venir à elle l’inconnu qui lui apportera le bonheur complémentaire que lui-même ne put lui offrir. C’est un nouvel aspect, on le voit, du thème cher à Lemonnier. La nature souveraine doit triompher des liens sentimentaux ; malgré tout son œuvre doit s’accomplir, puisqu’elle est au-dessus de tout. Si la leçon, à mon avis, s’y voit trop et que l’intention morale y est plus apparente qu’un roman ne le permet, il y a du moins des pages d’ardente beauté où s’exprime le double épanouissement parallèle de la vie physique profonde de la femme et de la vie florale, le travail des sèves chez l’héroïne et parmi le verger. Et parmi tant d’efforts orientés vers la stérilité du flanc féminin, il est audacieux d’avoir écrit le roman du besoin de maternité, la monographie de l’instinct impérieux qui est en l’être de la femme.

C’est du procès de Bruges que nous est venu Les Deux Consciences, un livre qui se dresse, parmi les cimes de l’œuvre, empreint d’une signification spéciale. Une passion concentrée le traverse, plus ardente encore que d’ordinaire, parce qu’il est sorti de l’intime vie personnelle de l’auteur,