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livre, le futur maître. Le thème et l’écriture en sont également médiocres. Je n’y reconnais de vraiment caractéristique qu’une certaine tendresse éparse, véritablement de bon aloi. Son véritable et significatif début dans le roman c’est Un coin de village. Cette savoureuse histoire paysanne, d’une saine et réelle humour, est vraiment sorti de son moi intime. Elle fleure délicieusement bon la terre. La langue en est simple, ferme et sûre, sans inutiles ornements. Un tel récit villageois, frais et verveux, aux allures de légende populaire en sa naïve intrigue et sa plaisante discrétion, c’est vraiment comme le sourire de bon accueil et de bon augure qui vous reçoit au seuil de l’œuvre.

Deux ans de silence, et puis c’est l’œuvre maîtresse, l’œuvre retentissante, au titre comme symbolique, auquel son nom — un peu injustement pour l’ensemble de son effort, — allait demeurer attaché. Un Mâle, tout le monde connaît ce titre, à défaut du livre lui-même, un livre devenu classique, aux éditions déjà nombreuses, l’un de ceux dont l’avenir est sûr.

Après les essais de toutes nuances, cette somptueuse et splendide épopée forestière apparaît bien comme le chef-d’œuvre dressé, tel un phare, au seuil des grandes vies. Les amours d’un braconnier et d’une fille de ferme s’y déroulent en pleine nature, dans la forêt profonde, formant une évocation toute puissante de la jeunesse, de la liberté et de l’amour. Il y a là quelque chose d’éperdu et de frémissant, comme un instinct qui s’épanche, une frénétique passion de la nature et de la vie. Ceci fut dit : le Mâle, c’est l’écrivain lui-même, ce livre est une autobiographie idéale, une confession lyrique. Cela est vrai assurément dans la mesure où toute œuvre, directement jaillie des sources de vie de son créateur, le représente. Cachaprès, le fauve aux primitifs et indomptables instincts, le magnifique animal humain, qui semble un produit direct de la