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tion d’immensité et de lumière d’une marine de Manet ?

Comme des objets frêles,

Les vaisseaux d’or semblent posés

Sur la mer éternelle.


Et ceci n’est que le prélude du cantique grandiose — d’une indicible émotion — où, dressant la somme de sa vie et témoignant devant le monde de l’homme qu’il fut, le poète joyeusement se voue aux dissolutions prochaines au sein de l’onde éternelle, d’où il rejaillira un jour, « moment nouveau de conscience »…

J’avoue une particulière tendresse pour ce livre de lumière et d’essor, si tranquille, si large, si profond, où le poète semble se livrer plus intime- ment qu’en des morceaux plus éclatants et plus connus. J’ai idée que devant l’avenir son importance grandira, tellement il recèle de germes. Verhaeren, quoi qu’il fasse, ne dépassera jamais, en souveraine émotion, certaines pages des Visages de la Vie, qui comptent parmi ce que l’âme humaine peut incarner de plus beau sous l’enveloppe verbale.

Et cependant il y a les Forces Tumultueuses, avec leur torrent de vitalité ! Des senteurs d’océan nous pénètrent dès la première strophe et nous partons avec le poète comme sur un navire gonflé d’espoir qui détache ses amarres quelque splendide matin pour accomplir un périple. De larges visions panoramiques passent, puis des îles, des con-