tourmenté et malade, et le décor désolé des
cités d’industrie et de charbon, des correspondances surgissaient, le grisant d’âpres délices. En
ce Londres brutal et noir et si âprement vivant
et si captivant dans sa laideur, Verhaeren venait
se saturer de la tristesse ardente que suent les villes
du Nord et leurs usines et leurs chantiers et leurs
wharfs, exacerber son intime souffrance, exalter
ses nostalgies et s’affadir le cœur. Il y venait aussi
— sans peut-être s’en rendre compte — pour y
découvrir une nouvelle beauté cachée au fond de
ce que l’humanité courante nomme la laideur.
Seul avec son rêve parmi les foules, ses pas — combien de fois ! — le ramenaient, pour des journées d’errance songeuse autour des docks, des bassins et des gares, le long des quais, à travers les quartiers de misère et les rues bordées de bureaux et de banques, ou bien le soir devant les bars illuminés. Parfois il s’installait sans but dans le métropolitain, pour se laisser rouler pendant des heures et des heures au fond des tunnels encrassés de suie, empuantis du relent des houilles, ou entre la double haie des affiches monstrueuses. Ou bien il errait parmi les salles emplies d’idoles de pierre et d’or du British Museum, — dont ce poème évocatoire des Débacles, Au Loin, reflète l’influence. Liverpool et Glasgow, qu’il visita également, le captivèrent par leurs senteurs de suie et