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sa signature paraîtra dans l’Art Moderne et la Société Nouvelle — pour de là se multiplier et conquérir toutes les revues de son temps. On le voit à ces cordiales et fameuses agapes du vendredi où, conviés par un bon géant roux, l’aîné par l’âge et le succès, mais jeune entre les plus jeunes, les premiers apôtres des lettres belges rénovées viennent respirer une bonne atmosphère de camaraderie, d’art et de combat, tandis que le verbe sonnant et martelé de Camille Lemonnier, amphytrion débordant de vie et la communiquant à flots, domine la tablée joyeuse et tumultueuse. À quelque temps de là, c’est à l’hôtel princier d’Edmond Picard que toute cette jeunesse ardente chaque semaine se retrouve. La mode y fut un moment d’y exhiber des gilets improbables et truculents. Au fond d’un tiroir, Verhaeren conserve encore l’éblouissant plastron de soie jaune d’or qu’il y montra un soir, escorté de son ami Dario de Regoyos, aussi éblouissant que lui. Ces gilets, ils les avaient fait tailler dans une paire de rideaux que le peintre espagnol avait trouvés chez sa mère, à Saint-Sébastien.

On imagine bien que, participant à une telle effervescence, le souci d’une profession qu’il n’avait fait mine d’embrasser que pour complaire aux siens, ne dominait pas l’existence du jeune homme. En 1881 il faisait partie du Jeune Barreau et était entré comme stagiaire chez Me Picard… Mais il passait plus de temps à la Bibliothèque royale qu’à compulser des dossiers. Pourtant il dut plaider