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les clochers des villes et des villages, qui seuls en rompent l’uniformité. Dissimulés jusqu’au poitrail dans l’herbe grasse des prairies annuellement fécondées par le fleuve, errent des bestiaux. Et par delà les digues, ce sont de grandes voiles qui passent, dorées par le soleil ou rougeoyantes au crépuscule… Toute l’enfance du poète s’est écoulée en ce paysage âpre et magnifiquement triste, qui le façonna pour jamais. Verhaeren est un enfant de l’Escaut et les approches de la mer du Nord l’ont sacré.

Près d’un carrefour où passe la grand’route de Termonde à Anvers, la maison familiale dressait sa large façade. Par la rue d’en face qui aboutissait au fleuve, on pouvait, des fenêtres, voir passer les bateaux érigeant leur mâture. Un grand Christ, à un angle de la place, exposait ses plaies violacées ; et les jours de procession, on dressait là un reposoir autour duquel, parmi les angelots blonds porteurs de palmes, l’enfant défilait.

La maisonnée se composait, hormis le père du poète et sa mère, née Adèle Debock, du frère de celle-ci — dont l’usine crachait ses fumées non loin du logis, — et de sa sœur, Amélie Debock, une tante pour laquelle l’enfant éprouva une tendresse très vive. Ces Debock, qui étaient du pays et qui en étaient fiers — (leur mère venait d’Herenthals et avait nom Lepaige, nom sans doute révélateur d’une origine française) traitent amicalement « d’étranger » Gustave Ver-