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qu’on ne veuille qu’il soit permis à une femme qui ne met jamais la tête à sa fenêtre, à la rue Saint-Honoré, sans voir passer des Carrosses, de s’imaginer qu’elle est la cause pourquoi ces Carrosses passent, ou du moins qu’elle doit être un présage à tout le quartier, en se montrant à sa fenêtre, qu’il passera bientôt des Carrosses.

VI Que les Historiens se plaisent fort aux digressions.

Vous me direz sans doute que les Historiens remarquent positivement que les Comètes ont été les signes ou même les causes des ravages qui les ont suivies et par conséquent que leur autorité va bien plus loin que je ne dis. Point du tout, Monsieur, il se peut faire qu’ils ont remarqué ce que vous dites, car ils aiment fort à faire des réflexions et ils poussent quelquefois si loin la moralité, qu’un Lecteur, mal satisfait de les voir interrompre le fil de l’histoire, leur dirait volontiers, s’il les tenait, riservate questo per la predica. L’envie de paraître savants, jusques dans les choses qui ne sont pas de leur métier, leur fait aussi faire quelquefois des digressions trés mal entendues ; comme quand Ammian Marcellin[1], à l’occasion d’un tremblement de terre qui arriva sous l’Empire de Constantius, nous débite tout son Aristote et tout son Anaxagoras ; raisonne à perte de vue ; cite des Poètes et des Théologiens, et à l’occasion d’une éclipse de soleil arrivée sous le même Constantius, se jette [2] à corps perdu dans les secrets de l’Astronomie, fait des leçons sur Ptolémée et s’écarte jusques à philosopher sur la cause des parhélies. Mais il ne s’ensuit pas pour cela que les remarques des Historiens

  1. Ammian Marcell., Histor., l. 17.
  2. Ammian Marcell., Histor., l. 20.