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à propos ; s’il n’en trouve pas, il en fait lui-même et leur donne la couleur et la figure la plus capable de faire paroître que le Ciel s’est intéressé d’une manière tres distinguée dans l’affaire dont il est question. Après cela qui ne rirait de voir un très grand nombre de gens d’esprit ne donner, pour toute preuve de la malignité de ces nouveaux Astres, que le terris mutantent regna Cometen de Lucain ; le regnorum eversor, rubuit lethale Cometes de Silius Italicus ; le nec diri toties arsere Cometae de Virgile ; le nunquam terris spectatum impune Cometen de Claudien et semblables beaux dictons des Anciens Poètes ?

V De l’autorité des Historiens.

Pour ce qui est des Historiens, j’avoue qu’ils ne se donnent pas la liberté de supposer ainsi des Phénomènes extraordinaires. Mais il paraît dans la plupart une si grande envie de reporter tous les miracles et toutes les visions que la crédulité des Peuples a autorisées, qu’il ne serait pas de la prudence de croire tout ce qu’ils nous débitent en ce genre là. Je ne sai s’ils croient que leurs Histoires paraîtraient trop simples, s’ils ne mêlaient aux choses arrivées selon le cours du monde quantité de prodiges et d’accidents surnaturels ; ou s’ils espèrent que par cette sorte d’assaisonnements qui reviennent fort au goût naturel de l’homme, ils tiendront toujours en haleine leur Lecteur, en lui fournissant toujours de quoi admirer ; ou bien s’ils se persuadent que la rencontre de ces coups miraculeux signalera leur Histoire dans le temps à venir ; mais, quoi qu’il en soit, on ne peut nier que les Historiens ne se plaisent [1]

  1. Quidam incredibilium relatu commendationem parant et lectorem aliud acturum, si per quotidiana duceretur, miraculo excitant. Quidam creduli, quidam negligentes sunt, quibusdam mendacium obrepit, quibusdam placet. Illi non evitant, hi appetunt et hoc in commune de tota natione, quae approbare opus suum et fieri populare non putat posse, nisi illud mendacio aspersit (Senec. Natur. quaest., lib. 7, cap. 16.)