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ABDIAS.

temps et en tous lieux. Ils sont aussi rares et peut-être plus que les gens de bien qui, au dire de Juvénal, égalent à peine le nombre des embouchures du Nil[1].

  1. Rari quippé boni ; numerus vix est totidem, quot
    Thebarum portæ, vel divitis ostia Nili.
    Juvénal, sat. XIII, v. 26.

ABDIAS de Babylone, auteur qui mérite d’être placé parmi les plus hardis légendaires. C’est un imposteur qui se vante d’avoir vu Notre-Seigneur Jésus-Christ, d’avoir été l’un des soixante-douze disciples, d’avoir assisté aux actions et à la mort de plusieurs apôtres, d’avoir suivi en Perse saint Simon et saint Jude, et d’avoir été établi par eux le premier évêque de Babylone. L’ouvrage qui court sous son nom est divisé en dix livres, et a pour titre : Historia certaminis apostolici.[* 1] Wolfgang Lazius[a] en trouva le manuscrit dans une caverne de Carinthie ; et quoiqu’il fût habile homme, il se laissa tellement tromper par cet écrivain fabuleux, qu’il se prépara à le donner au public comme une pièce importante. Il ajouta foi à l’inscription de ce manuscrit, qui portait qu’Abdias, évêque de Babylone, établi par les apôtres mêmes, avait composé en hébreu cette histoire de leurs actions, et qu’Eutropius l’avait traduite en grec[b], et Africanus en latin. Il la publia à Bâle[c], l’an 1551, avec quelques autres vies de saints. Elle a été depuis imprimée plusieurs fois en divers lieux (A). M. Fabrice remarque que ceux qui ont dit qu’elle a été insérée dans la Bibliothéque des Pères se trompent [d]. Laurent de La Barre l’inséra dans son Histoire des Pères, à Paris, en 1583[e]. Ce n’est point le pape Gélase, comme M. Moréri l’avance, mais le pape Paul IV qui a rejeté comme apocryphe l’ouvrage de notre Abdias[f]. Plusieurs écrivains, tant parmi les catholiques que parmi les protestans, ont reconnu l’imposture. Ceux-ci prétendent avoir dessillé les yeux aux autres (B) ; on ne leur accorde point cela (C). La gloire serait au fond très-petite ; car ce fourbe a usé de si peu d’adresse, qu’il a cité l’Hégésippe, qui a fleuri cent trente ans ou environ après l’ascension de Notre-Seigneur [g]. Il a parlé aussi d’un disciple des apôtres nommé Crathon, qui fit, dit-il, une histoire en dix livres de tout ce que saint Simon et saint Jude avaient fait et souffert dans la Perse pendant treize ans ; laquelle histoire, poursuit-il, Africain l’historiographe a mise en latin[h]. Où trouverait-on cet Africain, qu’en la personne de Julius Africanus, mort environ l’an 230[i] ?

  1. * Chauffepié, au mot Abdias, promet des remarques sur l’auteur de cette histoire, qui n’est, dit-il, ni d’Abdias ou Adée, ni de Crathon. etc. ; mais il n’en nomme pas l’auteur, qu’il croit avoir vécu dans le septième siècle, et peut-être plus tard.
  1. Médecin à Vienne en Autriche, et historiographe de l’empereur Ferdinand I. Voyez l’épître dédicatoire de son édition.
  2. La préface de Julius Africanus dit qu’Eutropius était disciple d’Abdias.
  3. Chez Oporin, in-fol.
  4. Jo. Alb. Fabricius in Codice Apocrypho Novi Test., pag. 401.
  5. Et non pas en 1581, comme veut Moréri.
  6. Labbe de Script. eccles., tome I, p. 3.
  7. Voyez Vossius de Hist. Græcis, p. 200.
  8. Abdiæ Hist. certam. Apost. l. VI, p. 83.
  9. Cave, Histor. litter., p. 72.

(A) Imprimée plusieurs fois en divers lieux. ] M. du Pin, qui a marqué les éditions de 1557, de 1560 et de 1571, et, outre cela, une édition de