Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
ABBEVILLE.

François Clousier, l’an 1657, in-folio. L’auteur n’a marqué son nom que par ces lettres, F. I. D. J. M. C. D. ; mais on sait qu’elles signifient frère Ignace de Jésus Maria, carme déchaussé. Voyez l’article Sanson (Jacques).

(A) A été de tout temps la capitale du Ponthieu. ] Le père Labbe le réfute ainsi sur ce point : Vous n’aviez pas lu, M. Sanson, les titres et mémoires de l’abbaye de Saint-Riquier, qui disent, que sous Louis-le-Débonnaire, l’an 815, il y avait dans l’enceinte des murailles de Centule deux mille cinq cents maisons, plusieurs artisans, quantité de rues, etc. ; qu’Abbeville est mise au rang des bourgs et villages, qui en dépendaient[1]. S’il en faut croire le vers tant chanté dans le pays,

Turribus à centum Centula nomen habet,


les cent tours qui flanquaient les murailles de Centule lui donnèrent son nom[2].

(B) N’ont rien d’ancien, en comparaison de celle-là. ] « Cela est faux, » disent ceux de Saint-Riquier[3] ; « et qu’avez-vous dans Abbeville qui marque quelque ancienneté, puisque votre église collégiale de Saint-Wulfran reconnaît pour fondateur Guillaume de Taluas, et Jean son fils, après l’an onze cent de salut ; et que le prieuré de Saint-Pierre, ordre de saint Benoît, ne fut fondé que quelques années auparavant : car, pour la paroisse de Notre-Dame du Châtel, cela ne ressent encore que le village ? » Quant à Frédégaire, que Sanson avait cité comme un témoin de l’existence d’Abbeville au temps du maire Ébroin, on lui répond[4] qu’il faut lire au chapitre xcvi, non pas atque Abacivo villâ evadens aufugit ; mais atque à Bacivo villâ evadens aufugit.

(C) Que cette ville s’appelait autrefois Britannia. ] Il fonda ce sentiment sur un passage de Strabon, où il crut trouver[5] que les députés de Marseille estans devant Scipion, interrogés par lui de ce qu’ils sçavoient de Britannia, Narbo et Corbilo, pas un d’entre eux n’en sçut rien dire de mérite, encore que ce fussent les meilleures villes de toute la Gaule. Il suppose que ce fut l’an 532 de Rome que les députés de Marseille firent voir cette ignorance. Sa raison est que celui qui leur faisait ces questions était le même Scipion qui perdit la première bataille qu’Annibal gagna sur les Romains. Il suppose que ce Scipion, voulant savoir des nouvelles de la marche d’Annibal, navigua jusqu’à l’embouchure du Rhône ; et que ce fut là que les députés de Marseille qui le vinrent complimenter, ne surent répondre à ses questions. Ceci sera examiné dans l’article de Pythéas. Voyons les autres hypothèses de Sanson. Il remarque : 1°. Que la ville de Narbonne a été l’une des plus anciennes et des plus florissantes villes de la Gaule, et que[6], néanmoins, elle n’est nommée qu’après celle de Britannia, parmi les trois dont Scipion voulut savoir des nouvelles. 2°. Que le Belgium des Commentaires de Jules César était une région entre les Belges[7], qui comprenait le Beauvoisis, l’Amiénois, l’Artois et peut-être encore les Vermandois et les Senlisiens. 3°. Que les habitans des côtes de la Grande-Bretagne étaient sortis du Belgium[8], et qu’ils avaient retenu le nom des cités desquelles ils étaient sortis : c’est César qui nous l’apprend. 4°. Que, selon le dénombrement de Pline[9], il faut que les peuples qu’il nomme Britanni aient habité dans le Ponthieu[10]. 5°. Que, de tous les endroits du Belgium d’où il est passé des peuples en Angleterre, il n’y en a point qui doive venir en ligne de compte autant que celui qui est situé sur la mer, c’est-à-dire autant que le pays de Ponthieu. Il infère de tout cela que les Britanni de Pline sont les principaux du Belgium qui aient passé en Angleterre [11] ; que d’abord ils y ont gardé leur ancien nom, et qu’ensuite ils l’ont rendu général à tout le pays et qu’ils ne

  1. Labbe, Tableaux Méthodiques, page 320.
  2. Là même, page 316 et 317.
  3. Là même, page 320.
  4. Là même, page 321.
  5. Sanson, Recherche de l’Antiquité d’Abbeville, page 4.
  6. Page 8.
  7. Page 39.
  8. Pages 17 et 40.
  9. Libro IV, cap. XVII.
  10. Sanson, Recherche d’Abbeville, p. 46.
  11. Cluvier, German. Ant. lib. II, cap. XXVII, aime mieux lire Brianni que Britanni.