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ABBEVILLE.

villa, capitale du comté de Ponthieu en Picardie, sur la rivière de Somme, à cinq lieues de la mer, au diocèse d’Amiens, n’était autrefois, comme son nom le témoigne, qu’une maison de campagne qui appartenait à un abbé. On croit que cet abbé était saint-Riquier, ou quelqu’un de ses successeurs qui, trouvant cette situation agréable et bien commode, à deux lieues de son abbaye de Centule, y fit bâtir premièrement une maison[a], et puis un château, où il y eut un prieuré dépendant de l’abbaye[b]. Hugues Capet, en voulant faire une place forte pour arrêter les courses des nations barbares l’ôta aux moines[c] ; et, l’ayant fortifiée, la donna à Hugues son gendre, qui prenait le titre d’avoué, à cause que le roi son beau-père lui avait commis la protection de l’église de Saint-Riquier. Son fils Angelram se contenta de ce titre, jusqu’à ce qu’il eût tué en bataille le comte de Boulogne, et qu’il se fût marié avec la veuve de ce comte ; car alors il se qualifia comte de Ponthieu, nom qui est demeuré à ses descendans[d]. Abbeville est devenue très-considérable dans la suite des temps. Elle est si grande, qu’à peine se trouvera-t-il dans toute la France dix ou douze villes qui la surpassent, ou qui seulement l’égalent en son circuit[e]. Sanson, de qui j’emprunte ces paroles, faisait état, en l’année 1636, qu’elle contenait 35 ou 40 mille personnes. C’était sa patrie ; et il est remarquable qu’en fort peu de temps elle donna trois bons géographes, lui, Pierre Duval [f], et le père Philippe Briet, jésuite. La rivière de Somme se partage là en divers bras, qui passent au dedans et au dehors de la ville. On n’est point demeuré d’accord de ce que le même Sanson assure[g], qu’Abbeville a été de tout temps la capitale du Ponthieu (A), et que les autres villes du Ponthieu n’ont rien d’ancien, en comparaison de celle-là (B). Encore moins lui a-t-on laissé passer la prétention que cette ville s’appelait autre fois Britannia (C), et qu’elle était l’une des plus florissantes de toute la Gaule, long-temps avant Jésus-Christ. Nous dirons en son lieu les suites de la querelle que le père Labbe lui fit là-dessus (D). Abbeville a de beaux priviléges ; et, comme elle n’a jamais été prise, on la nomme la pucelle du pays[h] ; et elle se dit en sa devise semper fidelis, toujours fidèle. Qui voudra voir amplement tout ce qui concerne cette ville, les priviléges de ses majeurs, les hommes illustres qui y sont nés ou qui y sont morts, etc. [i], doit consulter l’Histoire généalogique des Comtes de Ponthieu, imprimée à Paris, chez

  1. Le P. Labbe, Tableaux méthod. de la Géograph. royale, pag. 322, édit. in-12.
  2. Sirmond. Notæ in Epist. XXXVI, Alexandri III.
  3. Hariulfus, Centulensis Monachus, in Chronico Monasterii sui, lib. IV, cap. XII, apud Hadr. Valesium, Notit. Gall., pag. 1.
  4. Valesii Notitia Gall., pag. 1.
  5. Sanson, Recherche de l’Antiquité d’Abbeville, pag. 2.
  6. Fils d’une sœur de Sanson.
  7. Sanson, Antiquité d’Abbeville, p. 59, 60.
  8. Duval, dans son Traité de la France, pag. 70.
  9. C’est avec raison que j’ai mis un et cætera, car ce livre est tout plein de matières étrangères : on y trouve le chevalier Bayard et d’autres personnes qui n’ont aucune relation au Ponthieu.