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AMPHILOCHUS.

pode sex per totidem ætates usque ad Amphilochum Amphiaraï filium. Il faut donc que celui-ci ne soit pas fils d’Amphiaraüs, comme Pausanias l’assure, mais d’Alcméon. En effet Mélampus fut père d’Antiphates, qui le fut d’Oïclès, qui le fut d’Amphiaraüs, qui le fut d’Alcméon, qui le fut d’Amphilochus. Si vous finissez par Amphilochus, second fils d’Amphiaraüs, vous ne trouverez point les six degrés dont parle Pausanias. C’est ma troisième preuve.

(C) Tite-Live a pris le change à son sujet, dans un passage que je citerai. ] Il a pris le fils pour le père dans ces paroles du XLVe. livre : Inde Oropum Atticæ ventum est, ubi pro deo vates Amphilochus colitur, templumque vetustum est fontibus rivisque circa amœnum[1]. Il est sûr que la principale divinité du temple dont cet historien fait mention était Amphiaraüs : il devait donc dire, ubi pro deo vates Amphiaraüs, et non pas Amphilochus colitur. Pausanias, qui s’était fait une étude particulière de ces choses, et qui avait beaucoup de talent pour y réussir, est beaucoup plus digne de foi que Tite-Live. Or, non-seulement il assure que les habitans d’Orope bâtirent un temple au devin Amphiaraüs ; mais aussi il semble dire qu’Amphilochus n’eut point de part à l’autel qui fut divisé en cinq portions, chacune desquelles appartenait à quelque héros, ou à quelque dieu[2]. Nous trouvons bien dans ce partage les enfans d’Amphilochus, mais non pas Amphilochus. J’avoue que la suite du raisonnement est propre à persuader que Pausanias ne l’a point omis : je ferais volontiers une correction dans le texte grec de cet auteur : je lirais καὶ τοῦ παιδὸς Ἀμϕιλόχου, et filio Amphilocho, et non pas καὶ τῶν παίδων Ἁμϕιλόχου, et filiis Amphilochi : voyez la note[3] ; mais, après tout, ce ne sera pas donner Amphilochus pour le dieu du temple d’Orope.

(D) On aura quelque chose à censurer à son sujet à M. Moréri. ] 1°. Amphilochus n’est pas un certain capitaine grec, dont Homère fasse mention dans l’Odyssée ; car Homère a dit seulement qu’Alcméon et Amphilochus furent fils d’Amphiaraüs[4]. 2°. Cela étant, il ne fallait pas s’exprimer ainsi : On dit qu’il était fils d’Amphiaraë et d’Ériphyle. Il fallait faire plus d’honneur à l’autorité d’Homère ; et jamais auteur tant soit peu versé dans la lecture des anciens n’aurait employé ici un On dit. 3°. L’Amphilochus, dont Plutarque fait mention, ne diffère point de celui d’Homère ; il ne fallait donc pas le débiter pour un autre. C’était celui dont on consultait l’oracle à Mallus dans la Cilicie. 4°. Il ne fallait point dire qu’il apporta l’oracle à un certain Thespesius de Solos[5]. C’est changer un dieu en messager. 5°. On a omis une circonstance qui devait être exprimée nécessairement : c’est que Thespesius mena une bonne vie après sa résurrection. Voyez Plutarque[6].

(E) Il ne faut pas le confondre avec cet Amphilochus dont une oie fut amoureuse. ] Voici ce que Pline dit de cela : Quin et fama amoris (anseri), Ægii dilecta forma pueri Olenii[7]. C’est ainsi que le père Hardouin a corrigé ce passage : il y avait dans les autres éditions, Argis dilecta forma pueri nomine Oleni. On avait donc inséré deux fautes dans le texte de Pline : l’une touchant le lieu où l’oie fut amoureuse ; l’autre touchant le nom du garçon aimé. Ceci arriva, non dans Argos, mais dans la ville d’Ægium[8]. Celui qu’une oie aimait s’appelait Amphilochus, et non pas Olenus ; mais parce qu’il était natif d’Olène, on lui a donné le surnom d’Olenius. Un passage d’Élien a fourni au père Hardouin tous ces éclaircissemens. Ἐν Ἀιγείῳ τῆς Ὰχαΐας παιδὸς Ὠλενίου γένος, ὄνομα Ἀμϕιλόχου ἠράσθη χήν. Θεόϕραςος λέγει τοῦτο[9]. Apud Ægium Achaiæ oppidum anser amavit puerum, Olenium gente, Amphilochum nomine. Theophrastus hæc narrat. Athénée raconte la même histoire, et cite Cléarque et Théophraste ; mais cor-

  1. Titus Livius, lib. XLV, C. 27.
  2. Pausan., lib. I, pag. 33.
  3. Peut-être faut-il traduire les paroles de Pausanias par, et ex filii (Amphiaraï) Amphilocho.
  4. Homer. Odyss., lib. XV, vs. 248.
  5. On a corrigé cette faute dans les éditions de Hollande.
  6. Plutarch. de serâ Numinis Vindictâ, p. 563 et seq.
  7. Plin., lib. X, cap. XXII.
  8. Situés dans l’Achaïe, proche de Sicyone. Voyez Pausanias, liv. VII, pag. 230.
  9. Ælianus, Histor. Animal., lib. V, cap. XXIX. Voyez le père Hardouin, Emendat XXI, in lib. X Plinii, pag. 474.