la mort de son fils, qui lui estoit décédé en son enfance fort loin de maturité ; car il dit :
Il ne fut onc homme de mère né,
Qui n’ait esté en ses jours fortuné
Diversement : il met ores sur terre
De ses enfans, ores il en enterre,
Lui-mesme après enfin s’en va mourant :
Et toutesfois les hommes vont plorant
Ceux que dedans la bière en terre ils portent,
Combien qu’ainsi comme les espics sortent
D’elle, qui sont puis après moissonnez,
Aussi faut-il que les uns nouveaux nez
Viennent en estre, et les autres en issent.
Qu’est-il besoin que les hommes gémissent
Pour tout cela, qui doit, selon le cours
De la nature, ainsi passer tousjours ?
Il n’y a rien grief à souffrir, ou faire,
De ce qui est à l’homme nécessaire.
« Brief, il faut qu’un chacun soit en
pensant en soi-mesme, soit en discourant
avec autrui, tienne pour certain,
que la plus longue vie de l’homme
n’est pas la meilleure. » Il me semble
que Plutarque a mal placé ces vers-là,
puis qu’ils ne contiennent rien qui
ait plus de relation à la mort des
jeunes gens qu’à celle des autres. Je
puis même dire que la comparaison
des épis serait absurde, s’il s’agissait
d’apaiser une affliction fondée sur
la jeunesse de la personne que l’on
pleurerait ; car, selon le train ordinaire,
la moisson des grains ne se
fait que quand ils sont mûrs. Il vaudrait
mieux faire faire de l’attention
à la destinée du fruit des arbres.
Comptez les pommes quand elles sont
en bouton, comptez-les ensuite chaque
semaine, vous trouverez que leur
nombre va toujours en diminuant.
C’est beaucoup si la moitié se conserve
jusqu’au temps de la cueillette.
Quant au reste, les raisons d’Amphiaraüs
sont assez bonnes ; mais elles
m’ont rien que de commun : il conclut
même par une maxime qui, dans
un certain sens, est plus capable d’irriter
le mal que de le guérir[1]. Nous
verrons bientôt de quelle manière le
philosophe Carnéade les critiquait.
Amyot n’a pas bien traduit ce grec de Plutarque, ὁ παρὰ τῷ ποιητῇ Ἀμϕιάρεως, par Amphiaraüs en un poëme. Cette version insinue manifestement qu’Amphiaraüs a fait un poëme ; mais le sens de Plutarque est qu’il y a un poëte qui a introduit Amphiaraüs se servant de ces raisons. Nous allons voir que c’est Euripide : Dicuntur nonnulli in mœrore, quùm de hâc communi omnium conditione audivissent, eâ lege nos esse natos, ut nemo in perpetuum esse posset expers mali, graviùs etiam tulisse. Quocircà Carneades, ut video nostrum scribere Antiochum, reprehendere, Chrysippum solebat laudantem Euripideum carmen illud :
Nemo mortalis est, quem non attingat dolor,
Morbusque : multi sunt humandi liberi ;
Rursùs creandi : morsque est finita omnibus.
Quæ generi humano angorem nequicquam afferunt.
Reddenda est terræ terra[2]. Tùm vita omnibus
Metenda ut fruges : sic jubet necessitas.
Negabat genus hoc orationis quicquam
omninò ad levandam ægritudinem pertinere.
Id enim ipsum dolendum esse
dicebat, quòd in tam crudelem necessitatem
incidissemus. Nam illam
quidem orationem ex commemoratione
alienorum malorum ad malevolos consolandos
esse accommodatam[3].
Rapportons aussi la réponse qui a été
faite à cette critique de Carnéade :
Mihi verò longè videtur secùs. Nam
et necessitas ferendæ conditionis humanæ,
quasi cum Deo pugnare cohibet,
admonetque esse hominem, quæ cogitatio
magnoperè luctum levat : et
enumeratio exemplorum, non ut
animum malevolum oblectet, affertur,
sed ut ille qui mœret, ferendum sibi id
censeat, quod videat multos moderatè
et tranquillè tulisse[4].
(L) Les partisans firent un procès à ses prêtres. ] Qu’il me soit permis d’appeler ainsi ceux qui levaient les tributs de la république romaine dans les provinces. Il y avait une loi qui exemptait de la taille les biens consacrés aux dieux immortels. Sur cela, les prêtres d’Amphiaraüs prétendirent à l’exemption, et soutinrent que les terres qui appartenaient à cette divinité n’étaient soumises à aucune taxe. Le texte de la loi est clair et précis en
- ↑ Voyez l’article Foulques, remarque (E).
- ↑ Le vers grec rapporté par Plutarque, de Consolatione, p. 110, et qui répond à ceci, est
Ἐις γῆν ϕέροντες· τῆν δ᾽ ἀναγκαίως ἔχει.
Barthius in Statium, tom. III, pag. 275, conjecture qu’il faut lire,
Ἐις γῆν ϕέροντες γὴν, κ᾽ ἀναγκαίως᾽ ἔχει.
- ↑ Cicero Tusculan. Quæstion., lib. III, cap. 25.
- ↑ Idem, ibid.