le nom de ville, et marque précisément qu’on la bâtit où l’on prétendait que la terre avait englouti Amphiaraüs et son chariot[1]. C’était la prétention des Tanagriens ; car ceux de Thèbes indiquaient un autre lieu, situé sur le grand chemin de Potnies à Thèbes, et environné de colonnes, et dont on contait deux beaux miracles : l’un, que les oiseaux ne se reposaient jamais sur ces colonnes ; l’autre, qu’aucune bête ne touchait à l’herbe qui croissait en cet endroit-là[2]. Étienne de Byzance, faisant mention de la ville de Harma, dit une chose entièrement opposée à la tradition, et à l’auteur même qu’il cite[3] ; car il assure que cette ville fut ainsi nommée, parce qu’on disait qu’Amphiaraüs, monté sur son chariot, s’y retira, et que les habitans ne voulurent pas le livrer à ceux qui le poursuivaient [4]. N’est-ce point prétendre qu’il sauva sa vie, et démentir une infinité d’auteurs, qui content qu’il fut abîmé dans les entrailles de la terre ? Le grand Saumaise s’est imaginé qu’il manque deux ou trois mots à cet article d’Étienne : c’est-à-dire, qu’après avoir fait mention du chariot d’Amphiaraüs on avait parlé de celui d’Adraste ; de sorte qu’il faut rapporter à ce dernier ce qui concerne le refus des habitans[5]. Cette conjecture est ingénieuse, et on la peut confirmer par un passage de Strabon, où il est dit que les habitans de Harma, dans la Béotie, sauvèrent Adraste, après que son chariot eut été brisé en ce lieu-là[6]. On ne peut point faire une semblable conjecture en faveur d’Eustathius. On doit dire sans hésiter, qu’il a écrit [7] que celui que les habitans de Harma sauvèrent était Amphiaraüs, et non pas Adraste.
Notez que Strabon est tombé dans une bévue que Saumaise n’a pas manqué de censurer : Ἐνταῦθᾳ δὲ που, καὶ τὸ Ἀμϕιαράειον ἐςὶ τετιμημένον ποτὲ μαντεῖον, ὅπου ϕυγόντα τὸν Ἁμϕιάρεων, ὡς ϕησὶ Σοϕοκλῆς,
Ἐδέξατο ῥαγεῖσα Θηϐαία κόνις,
Αὐτοῖσιν ὅπλοις, καὶ τετραρίςῳ δίϕρῳ[8].
Circa quem locum oraculum fuit Amphiaraï,
olìm cultum : ubi fugientem
Amphiaraüm, ut ait Sophocles,
« Thebanus hausit pulvis hiatu præpete,
« Arma et quadrigas absorbens simul et virum. »
Strabon veut prouver que l’oracle
d’Amphiaraüs, au territoire d’Orope,
était situé au même lieu où ce devin
fut englouti par la terre : et il apporte
en preuve deux vers de Sophocle,
qui témoignent que la terre
se fendit dans le territoire de Thèbes,
pour engloutir Amphiaraüs et son
chariot. Saumaise critique cela avec
beaucoup de raison[9]. Isaac Vossius
a pris le parti de Strabon ; mais, en
cette rencontre, il a fait voir qu’une
envie trop ardente de trouver des
fautes dans les écrits d’un adversaire
est un guide dangereux. Desinat
quoque mirari, dit-il[10], quòd
multi Oropum urbem in regione sive
agro Thebano collocârint. Rectè enim
hoc ab illis factum, cùm Oropus non
sui juris, sed propria fuerit Thebanorum.
Hoc manifestè Dicæarchus
docet, ἡ δὲ πόλις Ὠρωπίων οἰκεία
Θηϐῶν ἐςί. En premier lieu, la proposition
de Dicéarque, prise généralement,
et pour tous les temps, n’est
point vraie. Orope fut un long sujet
de dispute entre les Athéniens et les
Thébains. Ceux-là en acquirent enfin
pleinement la possession, après que
Philippe de Macédoine eut pris la
ville de Thèbes[11]. En second lieu,
de ce qu’Orope appartenait aux Thébains,
il ne s’ensuit pas qu’elle fût
au territoire de Thèbes, in agro
Thebano. Un auteur, cité par Plutarque,
assure que la ville de Harma
fut bâtie où se donna le combat entre
les Argiens et les Thébains, et où
Amphiaraüs fut englouti[12]. C’est
- ↑ Pausan., lib. IX, pag. 296.
- ↑ Id. ibid., pag. 288.
- ↑ Il cite le IXe. livre de Pausanias.
- ↑ Steph. Byzantin. Voce Ἅρμα.
- ↑ Voyez les Notes de Berkelius sur cet endroit de Steph. Byzantin.
- ↑ Strabo, lib. IX, pag. 278.
- ↑ Eustathius in Iliad., lib. II, pag. 266.
- ↑ Strabo, lib. IX, pag. 275.
- ↑ Salmas. Exercit. Plin. in Solin., p. 167.
- ↑ Isaac Vossius in Pompon. Melam., p. 152.
- ↑ Pausan., lib. I, pag. 33. Voyez dans les Notes de Pinedo sur Étienne de Byzance, au mot Ὠρωπὸς, quelques passages qui prouvent que cette ville appartenait aux Athéniens.
- ↑ Trisimuchus, lib. III, de conditis Urbibus, apud Plutarch. in Parallelis, pag. 307.