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AMPHARÈS.

faire de bonnes études : ses supérieurs ne s’accommodaient point de cela ; ils aimaient mieux qu’il fût ignorant, et qu’il s’attachât aux observances extérieures de l’institut. Il ne laissa pas de parvenir à la qualité d’auteur. On peut voir le titre de ses ouvrages dans Moréri ; mais il ne faut pas se fier à la citation de Vander Linden (B).

(A) Érasme le tenait pour bien guéri des préjugés et des passions des personnes de son rang. ] Sans cela, il n’eût pas pris la liberté de lui dire que l’ennemi du genre humain avait eu part à l’institution des cloîtres ; mais il aurait bien pu lui avouer que les ignorans y acquièrent plus de considération en établissant le vrai mérite dans l’observation exacte du cérémoniel : Quùm interdùm mecum reputo, Ammoni charissime, cujusmodi ingenia premantur ac sepeliantur in istis ceremoniis, interdùm subit animum cogitatio fortassis humana, istiusmodi vitæ ergastula non sine instinctu satanæ fuisse inducta.….. Ac ferè fit ut quò quisque indoctior stupidiorque est, hoc in isto vitæ instituto pluris habeatur, tumidus fiduciâ ceremoniarum, et alieni spiritûs iniquus æstimator[1].

(B) Il ne faut point se fier à la citation de Vander Linden. ] Cet auteur n’a point fait la Bibliothéque Belgique : on l’a mis là pour Valère André. Cest la Bibliothèque des médecins qu’il a composée.

  1. Erasm., Epist. XX libri XXV, p. 1361.

AMPHARÈS, l’un des éphores de Lacédémone, fut le principal instrument de la mort tragique du roi Agis. Nous avons dit ailleurs [a], comment, après le rétablissement de Léonidas son collègue, ce prince se réfugia dans un temple. Ampharès fut un de ceux qui l’y visitèrent familièrement, et qui lui tinrent compagnie, quand il sortait de cet asile pour aller au bain, et quand il retournait au temple. Un jour, en le ramenant du bain, Ampharès mit la main sur lui pour l’obliger à comparaître devant les éphores, et à leur rendre compte de sa conduite. Il le fit entrer par force dans la prison : les éphores et leurs assesseurs s’y transportèrent tout aussitôt pour faire le procès au roi. Il leur déclara qu’il n’avait eu autre dessein que de remettre les choses sur le pied que Lycurgue les avait mises, et qu’il ne se repentirait jamais d’un si beau dessein. Là-dessus on le condamna à la mort, et l’on ordonna aux sergens de le conduire au lieu du supplice[b]. Les sergens trouvèrent si étrange et si inouï que l’on mît les mains sur la personne d’un roi, qu’ils témoignèrent de l’aversion pour cet ordre [c] : il fallut que Democharès, l’un des amis d’Ampharès, fit lui-même cette fonction. Agésistrata, mère d’Agis, accompagnée d’Archidamia sa mère, était accourue aux portes de la prison, et demandait qu’il fût permis à ce prince de plaider sa cause devant le peuple. Cela fut cause que l’on hâta l’exécution. Dès qu’Agis eut été étranglé, Ampharès vint assurer Agésistrata, qu’on ne ferait point de mal à son fils, et qu’elle pouvait entrer pour le voir, si elle le souhaitait. La même permission fut accordée à la grand’mère : ainsi elles entrèrent toutes deux dans la prison. Ampharès

  1. Dans l’article Agis.
  2. Il était dans la prison même, et s’appelait Decas.
  3. Ἀποςρεϕομένους καὶ ϕεύγοντας τὰ ἔργον, ὡς ου θεμιτὸν οὐδε νενομισμένον βασιλέως σώματι τὰς χεῖρας προσϕέρειν. Avertentes se et refugientes facinus, ut nefarium et insolens, ut corpori regis quis admoveret manus. Plutarchus, in Agide, pag. 803, 804.