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AMMONIUS.

omnium suo tempore pleni, præsertim Ammonius : nullus enim ad disciplinarum illius copiam propè accessisse videtur. Voilà donc l’Ammonius dont Philostrate a parlé ; il est donc très-différent de celui qui philosophait à Alexandrie, et qui a été le maître de Plotin et d’Origène. Nous apprenons dans la lettre de Longin que ces péripatéticiens si savans n’ont écrit que des poëmes et des harangues. Ce grand critique suppose qu’ils n’avaient point prétendu que ces ouvrages fussent conservés ; car, s’ils avaient eu ce dessein, dit-il, ils auraient écrit avec plus d’exactitude.

(I) On l’a accusé à tort d’être le principal corrupteur de la doctrine de Platon sur l’éternité du monde. ] Afin qu’on voie clairement toute la faute, je rapporterai un peu au long les termes du commentateur : Nulla autem Platonis sententia est, quam fœdiùs corruperint, et obstinatiùs defenderint veteres Platonis interpretes : seu quia eorum alii ità sentirent, seu ut christianam fidem impugnarent. Eorum signifer Ammonius fuit, fidus alioquin ac illustris doctrinæ platonicæ assertor ; quem Zacharias dialogo cui Ammonius titulus est, confutavit. Mox ejus discipuli, Plotinus passìm libris suis ; et quod mirum est, ne à magistro dissentiret, fax illa fidei, Origenes ; cujus errorem sanctus Methodius lib. περὶ των γενητῶν, ut est apud Photium, redarguit[1]. Vous voyez clairement qu’il parle de l’Ammonius qui a été le précepteur d’Origène. Serait-il tombé dans cette bévue, s’il eût eu recours aux originaux, et s’il n’eût point cité sur la foi d’autrui le Traité de Zacharie ? Car, dès l’entrée de ce Traité, nous apprenons que l’Ammonius, contre qui on le composa, vivait encore, et enseignait dans Alexandrie avec un grand faste, après avoir été à Athènes disciple de Proclus. L’auteur, je veux dire Zacharie, évêque de Mitylène, a vécu au VIe. siècle ; car il assista au concile de Constantinople, l’an 536. Il est donc faux qu’il ait réfuté le précepteur d’Origéne. Mais il est vrai que le philosophe Ammonius qu’il réfuta enseignait que Dieu et le monde étaient et seraient toujours coéternels. Cet ouvrage de Zacharie a été traduit de grec en latin par Génebrard, et inséré dans la Bibliothéque des Pères [2]. Possevin remarque que Canisius censure Gesner, d’avoir dit que l’ouvrage de Zacharie de Mundi æternitate était différent de celui qui a pour titre Ammonius[3]. Cette censure, qui serait très-bien fondée à l’égard de Simler, abréviateur de Gesner, est injuste par rapport à Gesner même, qui a déclaré expressément. qu’il lui semblait que le Dialogue intitulé Ammonius ne différait point du Traité de Rerum æternitate. Je ne passerai point sous silence la surprise où j’ai été en remarquant que l’on souffrait au VIe. siècle qu’un philosophe païen fût professeur dans Alexandrie, et qu’il dogmatisât hautement sur l’éternité du monde, contre l’opinion des chrétiens. Il cachait si peu sa croyance, qu’il la soutenait publiquement dans ses leçons, et l’on ne pouvait pas ignorer qu’il ne la persuadât à plusieurs de ses disciples. L’un d’eux[4], étant devenu le principal professeur en médecine dans la même ville, disputait avec chaleur pour le même sentiment. Tout cela paraît par le Traité de Zacharie de Mitylène.

  1. Renatus Vallinus, Not. ad lib. V. Boëtii de Consolat. Philosoph., pag. 96.
  2. Il est dans le onzième volume de la Bibliothéque des Pères, pag. 331 et suiv. de l’édition de Paris, en 1644.
  3. Possevin. Appar., tom. II, pag. 552.
  4. Il s’appelait Gessius. Voyez la Bibliothéque des Pères, tom. XI, pag. 339.

AMMONIUS (André), natif de Lucques, alla chercher fortune en Angleterre, vers le commencement du XVIe. siècle, et s’y serait apparemment avancé, s’il eût vécu plus long-temps (A). Il cultivait les belles-lettres et la poésie latine. C’est par ses vers latins qu’il mérite principalement d’être mis au rang des auteurs (B). Il y eut entre Érasme et lui beaucoup d’amitié, et un grand commerce de lettres. Ammonius logea quelque temps chez Thomas Morus[a], et puis au

  1. Erasmi Epistol. II libri VIII, p. 408.