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AMYRAUT.

minister salmuriensis, homo saltem nomine (nescio an et progenie) judæoturca. Dans les pages suivantes il l’appelle Amyrath.

Ces paroles du père Bartolocci sont fort surprenantes : Moses Amyraldus, dit-il[1], videtur Judæus conversus ad fidem, scripsitque eruditissimam et catholicam Dissertationem de Mysterio Trinitatis, deque Vocibus, ac Phrasibus, quibus tam in Scripturâ, quàm apud Patres, explicatur. Pars IV, quæ est de Primordiis Revelationis Mysterii Trinitatis in Veteri Testamento, habetur in Libro Wagenseilii inscripto, Tela ignea Satanæ, pag. 140. Voilà comment les auteurs les plus illustres sont inconnus quelquefois les uns aux autres. Le père Bartolocci, n’ayant connu M. Amyraut que par une pièce adoptive de M. Wagenseil, l’a pris bonnement pour un ex-juif.

(B) Son père avait ses vues en le destinant au barreau. ] Il le destinait à remplir la charge de sénéchal, occupée par son oncle, qui n’avait point d’enfans.

(C) On le chargea de faire en sorte de ne parler point à genoux. ] M. Amyraut fut celui qui représenta au synode l’état de cette question, et il promit en même temps de faire toutes les instances possibles, en cas que la compagnie lui donnât des instructions là-dessus. Il fut donc chargé de demander le rétablissement du privilége dont les ministres avaient joui, de parler debout à sa majesté, comme font les ecclésiastiques du royaume. Il partit, accompagné de deux anciens, pour Monceaux, où était la cour ; et s’étant adressé à M. de la Vrillière, secrétaire d’état, il apprit que le roi n’entendait point que les députés du synode lui parlassent autrement que ceux du synode précédent. Comme il y avait toujours un commissaire de la part du roi dans nos synodes, celui qui assistait alors au synode national de Charenton, avait fait savoir au roi ce que l’on avait chargé les députés de demander ; et la cour ayant trouvé à propos de ne pas accorder cette demande, M. de la Vrillière eut ordre de le déclarer aux députés. M. Amyraut lui représenta fort adroitement, et fort respectueusement tout ensemble, les raisons de la compagnie, et il se passa plus de quinze jours sans que de part ni d’autre on relâchât quelque chose. Le cardinal de Richelieu, informé de la vigueur de ce ministre, voulut conférer avec lui sur ce sujet, et tâcha de l’induire à n’insister pas davantage. On répondit, et on répliqua sur tout ce que cette éminence put alléguer de plus plausible ; et enfin, l’audience fut accordée sur le pied que M. Amyraut la demandait. Le cardinal s’entretint avec lui diverses fois touchant le cahier des plaintes, et goûta extrêmement l’esprit et les manières de ce ministre.

(D) Il publia un écrit, où il expliqua les mystères de la prédestination et de la grâce, selon les hypothèses de Cameron. ] Un catholique romain de qualité fut l’occasion de cet écrit. Il avait dîné à Bourgueil, avec M. Amyraut, chez M. l’évêque de Chartres, de qui ce ministre était fort connu[2]. Après le repas, il fit tomber la conversation sur une matière de controverse : il accusa les protestans d’enseigner des choses tout-à-fait dures sur la prédestination. M. Amyraut prit la parole, et il se noua entre lui et M. l’évêque de Chartres une espèce de dispute, mais douce et honnête, sur cette question épineuse. Le soir étant venu, on se sépara : le lendemain, M. Amyraut, s’en retournant à Saumur, passa chez l’homme de qualité[3], comme il le lui avait promis, et lui trouva de bons sentimens pour la religion protestante, avec divers scrupules sur le dogme de la prédestination, tel que Calvin l’a expliqué. Il lui leva tous ces scrupules le mieux qu’il lui fut possible, et acquiesçant à la prière que lui fit ce gentilhomme de composer un traité où la chose fût beaucoup mieux approfondie que dans une simple conversation, il écrivit et publia[4] le livre dont je parle.

    à Londres, l’an 1659, avec une Pièce intitulée, Nuncius à mortuis, qui est un Dialogue supposé entre l’âme de Henri VIII et celle de Charles Ier.

  1. Bartolocci Bibliotheca Rabbin, part. IV, pag. 66.
  2. Il était de la maison d’Étampes-Valençai, et fut depuis archevêque de Reims.
  3. Au Plessis-Rideau.
  4. En 1634.