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AMYRAUT.

d’un bon nombre de personnes de différente religion. Entre ses autres vertus, on doit remarquer sa charité pour les pauvres. Il leur donna les gages de son ministère pendant les dix dernières années de sa vie. Il donnait l’aumône sans distinction de catholiques et de réformés : les religieux mendians qui allaient à la quête chez lui ne s’en retournaient jamais à vide, et il commanda à M. Hervart[a] les récollets de Saumur, lorsqu’ils recoururent à l’épargne, pour faire rebâtir leur cloitre qui avait été brûlé. Ils le remercièrent du bon effet de sa recommandation. Il ne laissa qu’un fils, qui a été un fort habile avocat au parlement de Paris, et qui s’est réfugié à la Haie depuis la révocation de l’édit de Nantes. Il avait eu une fille, qui mourut en 1645, dix-huit mois après avoir été mariée [b]. La douleur où cette perte plongea sa femme fut cause qu’il composa un Traité de l’état des Fidèles après la Mort, et qu’il le lui dédia. On l’imprima l’année suivante. On ne sera pas fâché de voir le distique que M. du Bosc écrivit de sa propre main au bas de l’estampe de M. Amyraut :

A Mose ad Mosem par Mosi non fuit nullus :
More, ore, et calamo, mirus uterque fuit[c].


Ce fut quelques années après la mort de ce professeur, que l’on grava son portrait par les soins de monsieur son fils[d].

On trouve quelques particularités touchant M. Amyraut dans un ouvrage intitulé Mélange critique de littérature, recueilli des conversations de feu M. Ancillon [e] : on y voit, entre autres choses, que c’est de lui qu’il faut entendre un passage d’une lettre de Balzac[f], où l’auteur d’une apologie est bien loué. On y voit aussi que Patin l’estimait beaucoup ; mais prenez garde que ce qu’il y a de désobligeant dans la lettre de Patin ne concerne pas le ministre de Saumur. Je parlerai de cela dans une remarque, et de quelque autre petite méprise (T).

  1. Il était alors contrôleur des finances.
  2. À Bernard de Haumont qui fut depuis avocat du roi à Saumur.
  3. C’est une allusion à ce que les Juifs ont dit à la louange de Moses Manmonides, fameux rabbin.
  4. Tiré des Mémoires communiqués par M. Amyraut le fils. Tout ce dont on ne donnera point de preuves publiques dans les remarques de cet article, est tiré de ces Mémoires.
  5. Imprimé à Bâle, l’an 1698.
  6. La première à M. Conrart.

(A) Il était d’une bonne et ancienne famille, originaire d’Orléans. ] Étienne l’Amyrault[* 1], son bisaïeul, était échevin d’Orléans lorsqu’on y réforma la coutume, en 1509. Le procès verbal de la coutume en fait foi. On prétend que le chef de la famille est un l’Amyrault, dont le tombeau est de l’année 1370, et se voit dans l’église de Saint-Pierre-en-Pont. Il était venu d’Hagenaw, ville d’Alsace, capitaine d’une compagnie de reîtres, à ce que porte son épitaphe. Cette famille est bienfaitrice du couvent et de l’église des Minimes d’Orléans, et, en cette qualité, ses armes se trouvent dans les vitreaux de l’église. Je remarquerai, par occasion, qu’un Anglais de la communion romaine a très-mal latinisé le nom d’Amyraut, puisqu’au lieu d’Amyraldus il a dit Amurath. Cette faute serait petite si, par une froide et basse allusion, il ne l’avait accompagnée d’un doute fort ridicule. Moses quidam Amurath, dit-il[1],

  1. * Leclerc remarque que la différence des deux noms aurait dû frapper Bayle, et indiquait assez qu’Étienne l’Amyrault n’était pas bisaïeul de Moyse Amyraut.
  1. Dans ses Notes sur quelques Extraits des Harangues d’Édouard Dering. Cela fut imprimé