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AMYRAUT.

une telle impression sur plusieurs ministres, qu’encore que M. Amyraut eût publié un écrit[a], où il soutenait que Calvin avait enseigné la grâce universelle, on vit au synode national d’Alençon[b] un bon nombre de députés chargés d’instructions contre M. Amyraut ; et il y en eut de si ardens, qu’ils ne parlaient que de déposer (F). Les députés des provinces de delà la Loire furent ceux qui témoignèrent le plus de chaleur. Néanmoins la compagnie, ayant ouï en plusieurs séances M. Amyrautt qui exposa son sentiment, et qui satisfit aux difficultés qui lui étaient proposées, le renvoya avec honneur à l’exercice de sa charge, et imposa sur ces questions un silence qui ne fut pas trop bien gardé. On[c] porta plainte au synode national de Charenton, en 1645, contre M. Amyraut, comme ayant contrevenu aux règlemens qui concernaient ce silence ; et il se plaignit à son tour de quelques contraventions faites contre les mêmes règlemens. La compagnie ensevelit par une sainte amnistie toutes ces plaintes réciproques, renouvela les règlemens du silence, renvoya M. Amyraut avec honneur à l’exercice de sa charge, et lui permit de faire contre les étrangers qui l’attaqueraient ce que le synode d’Anjou trouverait bon. Ce synode lui permit de publier une réponse aux trois volumes de M. Spanheim sur la grâce universelle (G) ; ce qui fut la source de quantité d’autres livres[d]. Pendant le synode national de l’année 1645, M. Amyraut fut prié par la compagnie d’entrer en conférence avec M. de la Milletière, afin de tâcher de le ramener. La conférence dura plusieurs jours ; mais ils ne s’accordèrent pas mieux en disputant de vive voix, que dans les livres qu’ils avaient déjà publiés l’un contre l’autre. La doctrine de M. de la Place sur le péché originel fut attaquée dans ce synode. M. Amyraut, en ayant été averti, se présenta à la compagnie, pour plaider la cause de son collègue, et montra par un long discours, que le sentiment dont on se plaignait n’avait rien de dangereux. Cette action ne fut pas seulement louée, à cause de l’habileté avec laquelle la doctrine de M. de la Place fut soutenue ; mais aussi, à cause que M. Amyraut n’avait en vue que l’intérêt de son collègue : car son sentiment là-dessus n’était point celui de M. de la Place. Si j’ajoute que M. Cappel ne suivait pas la route ordinaire des protestans sur l’antiquité des points de l’Écriture hébraïque, j’aurai dit tous les chefs de plainte que l’on faisait contre l’académie de Saumur ; mais ces plaintes n’empêchaient pas que l’on n’y vit un grand concours de proposans, qui diminua à vue d’œil après la mort de ces illustres professeurs[e]. M. Amyraut survécut à ses deux collègues, et a eu le temps de publier un très-grand nombre de livres (H). Il avait autant de facilité pour la plume que pour la langue : et c’est

  1. Intitulé, Échantillon de la Doctrine de Calvin.
  2. L’an 1637.
  3. Blondel, Actes authentiq., pag. 36.
  4. Là même, pag. 40, 41.
  5. Ils sont les auteurs de ce qu’on appelle Thèses Salmurieuses, ouvrage très-estimé.