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AMYRAUT.

tution de Calvin lui donna un grand goût pour ce conseil. Ainsi ayant témoigné à son père, qui avait ses vues en le destinant au barreau (B), qu’il souhaitait passionnément d’être ministre, il obtint, quoique avec peine, le consentement qu’il demandait. Il alla étudier à Saumur, sous Cameron, qui l’aima et qui l’estima d’une façon particulière, et il fut assez long-temps proposant. Lorsqu’il fut reçu ministre, on le donna à l’église de Saint-Aignan, au pays du Maine, où ayant demeuré dix-huit mois, il fut appelé à Saumur, pour y succéder à M. Daillé, qui sortait de ce poste, afin d’aller être ministre de Charenton [a]. En même temps que l’église de Saumur le souhaita pour ministre, le conseil académique jeta les yeux sur lui pour la profession en théologie. C’est pour cela que l’église de Rouen, et celle de Tours, qui le demandèrent en même temps au synode, ne l’obtinrent pas ; car les synodes nationaux avaient réglé que les intérêts des académies seraient préférés à ceux des églises. Sa réception au professorat en 1633, l’examen qui la précéda, et la thèse inaugurale de Sacerdotio Christi, lui attirèrent beaucoup d’applaudissemens. On reçut avec lui deux autres excellens professeurs, Louis Cappel, et Josué de la Place : si bien que l’on donna tout à la fois à l’académie de Saumur les trois personnes qui étaient les plus capables de la rendre florissante ; puisque, outre leur grand savoir, il y avait entre eux une sympathie merveilleuse qui a produit une concorde pleine d’édification et de bonheur, et d’autant plus digne de louange, qu’elle est une rareté fort difficile à trouver en pays académique. M. Amyraut fut député au synode national de Charenton, l’an 1631. Cette compagnie le députa pour aller haranguer le roi, et pour présenter à sa majesté le cahier des plaintes concernant les infractions des édits. On le chargea en particulier de faire en sorte qu’il ne parlât point à genoux (C), comme avaient fait les députés du dernier synode national ; et il ménagea cette affaire avec tant d’adresse et de fermeté, qu’il fut enfin admis à l’audience selon l’ancien usage, et selon le désir de la compagnie [b]. Cette députation le fit connaître au cardinal de Richelieu, qui s’étonna de lui trouver tant de qualités qui ne sentaient point son homme d’étude. Quelque temps après il publia un écrit, où il expliqua le mystère de la prédestination et de la grâce, selon les hypothèses de Cameron (D). Cet écrit excita une espèce de guerre civile parmi les théologiens protestans de France (E). Ceux qui n’étaient point dans ces hypothéses crièrent à la nouveauté, et surtout lorsqu’ils virent le grand du Moulin en campagne, qui ne cessait d’accuser M. Amyraut de contravention au synode de Dordrecht, et de favoriser l’arminianisme. L’autorité de ce célèbre théologien, qui s’était acquis dans son parti la vénération des peuples par quantité de livres de controverse, fit

  1. La Vie de M. Daillé nous apprend qu’il fut appelé à Paris l’an 1626
  2. La Harangue qu’il fit au roi est insérée dans le Mercure français de l’an 1631.