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AMYOT.

l’avait composée. Il lui donna l’abbaye de Bellosane, que la mort de François Vatable venait de faire vaquer (C). Ce prince mourut peu après ; et cela fit croire à Amyot qu’il ferait mieux de chercher de l’avancement en Italie, que d’attendre quelque chose de la cour de France. Il suivit donc à Venise Morvillier, que Henri II y envoyait en ambassade. Morvillier se servit de lui dans quelques affaires, et l’envoya porter à Trente les lettres du roi au concile, en 1551 (D). Lorsqu’on le rappela de son ambassade, Amyot ne voulut point repasser les monts avec lui : il aima mieux aller à Rome, où il fut accueilli avec beaucoup d’affection par l’évêque de Mirepoix. Il logea chez lui environ deux ans. Ce fut alors qu’en examinant avec ardeur les manuscrits du Vatican, où Romulus Amaseüs, qui était le garde de cette fameuse bibliothéque, lui donnait un libre accès, il apprit qu’Héliodore, évêque de Trica, était l’auteur des Amours de Théagene. Il trouva un manuscrit de cet ouvrage beaucoup plus correct et plus entier que celui qu’il avait traduit, et il ne manqua pas de faire tout ce qu’il fallait pour être en état de donner une meilleure édition. Les occupations savantes ne l’empêchèrent pas de songer aux intérêts de sa fortune. Il fit sa cour bien adroitement au cardinal de Tournon, et il s’insinua si bien dans ses bonnes grâces, que ce cardinal le nomina au roi lorsque ce prince, l’ayant rappelé en France, le pria de lui indiquer un bon précepteur pour ses deux puînés[a]. Ce fut environ l’an 1558[* 1]. Voilà donc Amyot précepteur de deux fils de Henri II. Pendant cet emploi, il acheva la traduction des Hommes illustres de Plutarque, et la dédia à ce prince[b] : après cela, il entreprit celle des Œuvres morales, et l’acheva sous le règne de Charles IX, auquel il la dédia. Charles IX lui fit de grands biens : il lui donna l’abbaye de Saint-Corneille de Compiègne[* 2], et le fit grand-aumonier de France et évêque d’Auxerre (E) ; et parce que la dignité de grand-aumônier et la charge de curateur de l’université de Paris furent vacantes en même temps[* 3], il les lui donna toutes deux. M. de Thou se plaint fort de cette jonction[c]. Henri III aurait succombé peut-être aux sollicitations importunes de l’évêque de Saint-Flour, qui l’avait suivi en Pologne, et qui demandait instamment la dignité de grand-aumônier ; mais la duchesse de Savoie, tante de ce monarque, lui recommanda de si bonne sorte, quand il passa par Turin en revenant de Pologne, les intérêts d’Amyot, que non-seulement sa

  1. * En 1554, dit Leclerc.
  2. * En 1567, dit Leclerc. Mais, vers 1564, ce roi lui avait donné l’abbaye de la Roche.
  3. * Il n’est pas vrai, dit Leclerc, que ces deux places aient vaqué en même temps, et Amyot n’eut jamais celle de curateur de l’Université. Ce que de Thou appelle Academiæ Parisiensis cura avait été donné en 1552 au cardinal de Châtillon, qui le conserva jusqu’en 1568.
  1. Ils ont régné l’un après l’autre sous le nom de Charles IX, et de Henri III.
  2. Il l’avait commencée du vivant de François Ier., auquel il présenta quelques-unes de ces Vies écrites à la main par maître Adam Charles, écrivain de Paris. Roulliard, Antiquit. de Melun, pag. 605
  3. Thuan. de Vitâ suâ, lib. V, p. 1222.