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AMÉLIUS.

sa rétractation en plein auditoire. Longin, dont le goût était si sûr et la critique si redoutable, trouvait à la vérité trop de verbiage dans les écrits d’Amélius ; mais il le mettait néanmoins au petit nombre des philosophes dont les ouvrages lui semblaient dignes de considération (B). Il écrivit une longue lettre contre celle qu’il avait reçue d’Amélius, touchant les manières de la philosophie de Plotin. Amélius était un dévot du paganisme, grand observateur des nouvelles lunes et des fêtes [a] (C). Il avait cité dans l’un de ses livres le commencement de l’évangile de saint Jean, pour confirmer la doctrine de Platon. Eusèbe a rapporté ce passage[b] ; mais non pas aussi amplement que Théodoret[c] et que saint Cyrille[d].

  1. Tiré de la Vie de Plotin, composée par Porphyre.
  2. Dans sa Præparat. Evangel., lib. XI, cap. XIX.
  3. Græc. Affection., lib. II, p. 500.
  4. In Julian., lib. VIII.

(A) Suidas assure que Porphyre fut disciple d’Amélius. ] Porphyre dit lui-même que lorsqu’il commença d’être disciple de Plotin, il y avait dix-huit ans qu’Améhus étudiait sous ce philosophe[1]. Il ajoute qu’il fut le condisciple d’Amélius pendant six ans ; après quoi, ils partirent de Rome, lui pour aller en Sicile, et l’autre pour aller à Apamée. Ils demeurèrent pour le moins jusqu’à la mort de Plotin au lieu où ils s’étaient retirés. Or, comme Porphyre avait alors environ trente-huit ans, et qu’il avait eu à Rome plus de réputation qu’Amélius, il n’y a nulle apparence qu’il soit devenu son disciple. Joignez à cela qu’Amélius, en lui dédiant son Apologie de Plotin, le prie d’en excuser et d’en corriger les défauts[2]. Enfin le silence de Porphyre, de quelle force n’est-il point contre Suidas ? Porphyre fait mention d’Amélius à tout moment dans la Vie de Plotin, et il n’aurait jamais dit un mot des études qu’il aurait faites sous la discipline d’un tel maître. Suidas pourrait bien avoir été trompé par Théodoret, qui appelle Amélius le chef de l’école de Porphyre[3], c’est-à-dire, selon l’interprétation de M. de Tillemont, de l’école de Plotin où Porphyre étudiait[4]. Aussi Suidas le fait maître de Porphyre : (c’est M. de Tillemont qui parle.) On peut mettre encore entre ses disciples Castricius Firmus, homme.... qui rendait toutes sortes de services à Amélius. Voilà donc un auteur moderne qui donne dans l’erreur de Suidas, et qui va même plus loin ; car il est visible par la Vie de Plotin, à laquelle il nous renvoie touchant Castricius, que c’était du vivant de Plotin que Castricius avait à Rome un si grand attachement pour Amélius. Or il est incontestable que, pendant que ce dernier a été à Rome, il n’a point eu de disciples. Il était disciple de Plotin, et ne dressait point autel contre autel.

(B) Longin..… le mettait au petit nombre des philosophes dont les ouvrages lui semblaient dignes de considération. ] Ce nombre était si petit qu’il ne comprenait que deux auteurs, Plotin et Amélius. La gloire de ce dernier en était d’autant plus grande : cependant cela ne fit pas que ses écrits ne déchussent assez tôt de leur première réputation. Eunapius les met dans la même catégorie que ceux de deux autres condisciples de Porphyre, et prononce cet arrêt contre tous : Συγγράμματά γε αὐτῶν περισώζεται· λόγος δε αὐτῶν οὐδὲ εἷς[5]. Quorum extant quidem volumina, sed existimatio propè nulla est[6]. Il en donne pour raison qu’ils étaient destitués des ornemens du langage, et purement dogmatiques.

(C) Il était grand observateur des nouvelles lunes et des fêtes. ] Je n’i-

  1. Porphyr. in Vitâ Plotini.
  2. Ibidem.
  3. Theodor. Græcar. Affect., pag. 500.
  4. Tillemont, Hist. des Emper., tom. III, pag. 1084, édition de Bruxelles.
  5. Eunap. in Vitis Sophistarum, pag. 20.
  6. Je rapporte la version d’Hadrianus Junius, où il me semble que propè est superflu.