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AMBOISE.

lité de boursier et celle de régent de seconde, que ce quelqu’un aurait eue dans le collége de Navarre, il est sûr qu’on ne songerait pas à ce qu’on dirait. Pareilles preuves de noblesse ne furent jamais de mise. Il pourrait donc être que non-seulement Michel Thiriot, mais aussi M. de Launoi, ont pris noblissima familia, pour une famille considérable et qui faisait belle figure, et non pas pour une famille de gentilhomme. C’est à quoi il faut prendre garde dans les éloges latins des hommes de lettres : on se tromperait si l’on prenait pour des gentilshommes tous ceux dont on dit nobili loco, nobili genere, nobili prosapiâ oriundi[* 1]. Je sais bien que François d’Amboise se qualifie écuyer dans l’édition d’Abélard ; mais cela prouve tout au plus que son père ou lui avaient été anoblis, et nullement que son père eût été chirurgien et gentilhomme tout ensemble. Il me vient une pensée que je donnerai pour ce qu’elle me coûte : c’est que peut-être les prédécesseurs de François d’Amboise ayant dérogé, il obtint la réhabilitation de sa famille. Que sait-on même si, du côté gauche, il ne descendait pas de l’illustre maison d’Amboise[* 2] ? C’est ce qui paraît le plus vraisemblable ; car il raconte qu’il alla au couvent du Paraclet pour y ramasser tout ce qu’il pourrait des Œuvres de Pierre Abélard, et qu’il y fut très-bien reçu par l’abbesse, Marie de la Rochefoucaut sa parente, dont l’aïeule paternelle, dit-il, Antoinette d’Amboise, femme du seigneur de Barbesieux, chevalier de l’ordre, était fille unique de Guy d’Amboise, et petite-fille et héritière de Charles, seigneur de Chaumont, maréchal de France : de sorte qu’elle recueillit toute la succession de cette très-ancienne famille, et qu’elle transporta les biens de la branche aînée dans la maison de la Rochefoucaut : Totam vetustissimam familiam crevit et primogenita vostra ad Rupifocaldos transtulit[1]. C’est une chose assez singulière que le fils d’un chirurgien de Charles IX ait parlé ainsi[* 3]. Notez qu’il ne faudrait pas nier absolument que quelque branche de l’illustre mai-

  1. * Chevalier, et non écuyer, dit Joly.
  2. * Cette conjecture de Bayle semble probable à Joly, malgré l’avis du généalogiste d’Hozier.
  3. (*) La postérité de cet homme suppose présentement, mais très-faussement, sur la conformité du nom, qu’elle est une branche de l’illustre maison d’Amboise ; mais on peut assurer très-positivement :

    1°. Que Jean d’Amboise, père de François d’Amboise, était natif de la ville de Douai en Flandre ; qu’il fut successivement chirurgien des rois François Ier., Henri II, François II, Charles IX et Henri III ; qu’il fut naturalisé par lettres du 29 de janvier de l’an 1566, en qualité alors de valet de chambre et chirurgien du roi Charles IX ; qu’il mourut le 13 de décembre de l’an 1584 ; et qu’il fut enterré dans l’église de Saint-Gervais, à Paris, avec Marie Fromager, sa femme, fille de Jean Fromager, aussi chirurgien juré au châtelet de Paris, et chirurgien du roi.

    2°. Que François d’Amboise, fils de Jean, fut baron de la Chartre-sur-Loire, et seigneur d’Hémeri et de Vezeul en Touraine, etc. ; conseiller, puis président au parlement de Bretagne ; avocat général au grand conseil l’an 1586 ; maître des requêtes en 1597 ; et conseiller au conseil privé, et enfin conseiller d’état en 1604 ; qu’il épousa le 15 de janvier 1594 Marguerite Cousinet, fille d’un notaire de la ville de Meaux, vivante encore l’an 1634 ; qu’au mois de juillet de l’an 1589, le roi Henri III le créa chevalier, en considération des services que son père avait rendus à quatre des prédécesseurs de ce prince ; et voici la copie de ces lettres de chevalerie.

    Lettres de chevalerie, données par le roi Henri III, au mois de juillet 1589, à François d’Amboise, président au parlement de Bretagne.

    « Henri, par la grâce de Dieu roi de France et de Pologne, à tous présens et à venir, salut. Comme il soit chose honneste et raisonnable que les personnes ornées et décorées de vertus soient élevées en titre et degré d’honneur convenable à leur mérite, afin de donner courage et désir aux autres de parvenir par vertu à telle ou plus grande dignité ou sublimation ; savoir faisons que nous, dûment acertenés des notables, louables, et vertueuses œuvres, actions et comportemens de notre cher et bien amé M. François d’Amboise, sieur de Vezeul, notre conseiller et avocat général en notre grand conseil, et président au parlement de Bretaigne, remémorant les services que feu son père a faits aux quatre rois, nos prédécesseurs, et à nous, et considérant les grands, agréables et fidèles services que ledit d’Amboise nous a faits, tant en plusieurs charges et commissions qu’il a eues en celui notre royaume, et voyage qu’il a fait lors de notre élection en Pologne, qu’en l’exercice de ses deux états en deux de nos cours souveraines, et lesquels services ledit d’Amboise continue ordinairement près et alentour de notre personne en plusieurs et maintes manières, et espérans que de bien en mieux il fera le temps à venir, voulant aucunement l’en récompenser et extoller au titre et degré d’honneur, comme ses dites vertus et œuvres le méritent, afin qu’à son exemple, tant sa postérité que les autres personnes d’honneur et vertu soient induites à faire le semblable, à nous et cette couronne ; icelui pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons fait et créé chevalier, et du titre d’icelui décoré et décorons en présence de plusieurs princes et seigneurs de notre sang,

  1. Franc. Amboesius, Præfatione Apologet. in Opera Abælardi.