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AMBOISE.

exemplaires se répondent page pour page. Il ne sera peut-être pas inutile d’avertir le public de ce double titre, de peur qu’un jour il ne soit cause qu’on augmente encore le nombre des éditions d’Abélard, comme on l’a déjà remarqué[* 1]. »

  1. * « Il n’y a peut-être, dit Joly, aucun fait littéraire plus difficile à débrouiller que celui-ci.... J’avoue que je ne comprends pas pourquoi une partie des exemplaires porte le nom d’Amboise, et l’autre celui de du Chesne. Peut-être chacun d’eux se persuadait-il que l’Abélard verrait le jour sous son nom seul.... L’édition étant prête à paraître, ils ne purent apparemment s’accorder ; et, au lieu de convenir qu’elle porterait le nom de l’un et de d’autre, ils convinrent mal à propos qu’une partie des exemplaires porterait le nom d’Amboise, et l’autre celui de du Chesne. »

AMBOISE (Adrien d’), frère puîné du précédent, ne s’avança pas moins que lui, puisqu’il parvint jusqu’à la prélature. Il eut part comme lui aux libéralités de Charles IX, qui l’entretint assez long-temps au collége de Navarre. Il trouva la même grâce auprès du roi Henri III. Il était de la maison de Navarre [a], lorsqu’en 1579 on l’élut recteur de l’université de Paris. Pendant son rectorat, l’université demanda au roi la confirmation de ses priviléges, et il porta la parole, suivi d’un grand nombre de docteurs. Il reçut ses licences en théologie l’an 1552, et fut préconisé en cette rencontre par Michel Thiriot, qui, entre autres louanges, lui donna celle d’être sorti d’une très-noble famille (A). Il était prédicateur et aumônier du roi, et grand maître du collége de Navarre[b], lorsqu’en 1594 l’université de Paris prêta serment de fidélité à Henri-le-Grand. Environ ce temps-là, il obtint la cure de St.-André à Paris ; et enfin, en l’année 1604, on le fit évêque de Treguier. Il mourut le 28 de juillet 1616, et fut enterré dans sa cathédrale, où son épithaphe lui donne de grands éloges (B). Je ne sache point qu’il ait composé d’autres écrits qu’une tragédie française, intitulée Holoferne[* 1], qui fut imprimée l’an 1580[c].

  1. * La Bibliothéque des Théâtres (par Maupoin ou Maupoint), 1733, in-8°., attribue à Adrien les Napolitaines, comédie qui est de François, ainsi que le remarque Joly.
  1. Socius Navarricus. Launoius. Historiæ Gymnasi Navarræ pag. 360.
  2. Ibid., pag. 371, 372.
  3. Launoii Hist. Gymnas. Navarr., pag. 800.

(A) Thiriot lui a donné la louange d’être sorti d’une très-noble famille. ] Néanmoins cet auteur fait expressément mention de la chirurgie du père dans cet éloge du fils. J’emprunte de M. de Launoi ce néanmoins ; car voici comme il parle : « Attamen Thiriotus ait Hadrianum fundatissimâ et nobilissimâ satum esse familiâ. His enim verbis utitur : Franciscus primùm in duorum inferiorum Navarræ sodalitiorum disciplinam receptus est, et Caroli IX liberalitate ad rhetoricas ac philosophicas institutiones eruditus. Deindè, humaniores litteras ibidem docuit, etc.[1]. » Un très-bon moyen de tirer d’affaire ces deux auteurs serait de dire que nobilissima familia ne signifie point ce que les Français appellent famille très-noble, famille de gentilhomme ; car si Thiriot avait ainsi entendu son latin, il eût parlé peu exactement : la chirurgie n’est point en France la profession d’un gentilhomme. Si M. de Launoi avait pris la chose en ce même sens il eût apporté des preuves sans nécessité, et ses preuves n’auraient eu aucune force. Il n’est pas nécessaire de prouver que l’on a donné la qualité de gentilhomme à quelqu’un lorsqu’en propres termes on a dit qu’il est né d’une famille très-noble, au sens que les Français entendent ce mot ; et si, pour prouver un fait de cette évidence on alléguait la qua-

  1. Launoius, Hist. Gymnasii Navarr., pag. 799, 800.