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AMBOISE.

meurs y font mille fautes que les correcteurs n’aperçoivent pas, et cela multiplie furieusement les êtres sans nécessité. Nous en avons ici un exemple. Quelques-uns mettent cette édition d’Abélard en l’année 1606[1], et quelques autres en l’an 1626[2]. Ne doutez point que cela ne fasse dire à plusieurs auteurs, que les Œuvres d’Abélard ont été imprimées trois fois dans l’espace de vingt ans ; et comme quelques-uns disent qu’on les imprima in-folio l’an 1616[3], c’est un nouveau moyen de multiplier les éditions sans nécessité.

(E) Il a publié une préface sur l’Histoire de Grégoire de Tours. ] Je ne doute point que ce ne soit celle dont M. l’abbé de Marolles a parlé ainsi [4] : Son Histoire des François (il s’agit de Grégoire de Tours), qui est le plus beau de ses ouvrages, fut autrefois traduite par Claude Bonnet, gentilhomme du Dauphiné[5], qui se qualifioit docteur en droit civil et canon, sur laquelle M. Hemery d’Amboise, maistre des requestes, a fait une assez longue Préface adressée à madame Henriette de Balzac, marquise de Verneuil, et fut imprimée à Paris, in-8°., chez Claude de la Tour, en 1610[* 1].

(F) J’ai une addition à donner touchant l’édition des Œuvres de Pierre Abélard, ordinairement attribuée à notre F. d’Amboise. ] Cette remarque n’est point de mon crû, et je la donne dans les propres termes de celui qui me l’a fournie[6]. « Il y a des exemplaires des Œuvres d’Abélard qui portent à la tête le nom de M. d’Amboise ; mais on en trouve d’autres où l’on voit celui d’André du Chesne, avec ce titre : Petri Abælardi, Sancti Gildasii in Brittanniâ Abbatis, et Heloïssæ conjugis ejus, quæ postmodum prima Cœnobii Paraclitensis Abbatissa fuit, opera, nunc primùm eruta ex MMss. Codd. et un lucem edita studio ac diligentiâ Andreæ Quercetani, Turonensis. Parisiis, Nic. Buon, 1616, in-4°. Il y a beaucoup d’apparence que c’est véritablement à ce célèbre Tourangeau que nous devons cette édition. Dans l’abrégé du privilége qui est au commencement de l’exemplaire qui porte le nom de du Chesne, on n’a pas manqué d’y dire que ces Œuvres étaient imprimées par les soins d’André du Chesne, edita studio Andreæ Quercetani ; au lieu que dans l’exemplaire qui a le nom d’Amboise, le privilége ne dit pas un mot de celui qui a pris soin de recueillir ces Œuvres. Ainsi, s’il était permis de conjecturer, on pourrait croire que par quelque motif secret et qu’on n’a pas jugé à propos de transmettre à la postérité, du Chesne aurait cédé la gloire de son ouvrage à M. d’Amboise, qui était alors en état de reconnaître un sacrifice de cette nature. Quoi qu’il en soit, les deux exemplaires de du Chesne et d’Amboise que j’ai vus ne sont pas semblables en tout : par exemple, celui de du Chesnc commence par une épître dédicatoire adressée à M. Benjamin de Brichanteau, évêque de Laon, et abbé de Sainte-Geneviève. Cette épître manque dans la prétendue édition de M. d’Amboise, aussi-bien que la Préface que du Chesne ajouta, où, après avoir dit en général qui étaient Abélard et Héloïse, il rend compte de ce qu’il a fait pour rendre l’édition de ce célèbre dialecticien la meilleure qu’il a pu : il parle honorablement de tous ceux qui l’ont aidé de leurs manuscrits, et avoue devoir à M. d’Amboise les lettres et quelques autres petites pièces. Après cette préface, suivent les Testimonia Veterum de Abælardo et Heloissâ, qui manquent aussi dans l’exemplaire de M. d’Amboise. De son côté, l’édition de ce conseiller d’état a une préface apologétique pour Abélard, qui manque dans l’édition de du Chesne. Pour le reste, tout est semblable, et ces deux

  1. * Réimprimé, dit Leclerc, sous le titre de Traité ou Discours sur l’Histoire Sacrée de saint Grégoire, 1614.
  1. Launoius, Hist. Gymnasii Navarræ, p. 801.
  2. Le P. Oudin, Supplementi de Script. Ecclesiast., pag. 413.
  3. Spizelius, Specim. Biblioth. univers Konig. Bibl. vet. et nova ; Christoph. Hendreich, dans les premières feuilles de Pandectar. Brandenburg.
  4. Préface sur Grégoire de Tours.
  5. Il n’est point dans la Bibliothéque de Dauphiné du sieur Allard. [ Chalvet, qui a donné en 1797 une nouvelle édition de cette Bibliothéque, n’a consacré que deux lignes à ce Bonnet. ]
  6. Mémoire manuscrit, communiqué par M. Lancelot, l’un des sous-bibliothécaires de la bibliothéque Mazarine à Paris.