Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
467
ALTILIUS.

Gruterus et dans celui de Jean-Matthieu Toscan, que l’épithalame d’Isabelle d’Aragon (E). Il y a beaucoup d’apparence que la plupart des autres vers d’Atilius sont péris.

(A) Il fut choisi pour précepteur du jeune prince Ferdinand. ] C’est ce qu’a voulu dire Paul Jove, en se servant de cette expression, junioris Ferdinandi regis[1] : Ughelli s’en sert aussi[2]. Le Toppi est d’un autre sentiment : Fu maestro, dit-il, di Rè Ferdinando I d’Aragona, e Vescovo di Policastro, nel 1471[3]. Je crois qu’il se trompe. Ferdinand Ier. mourut l’an 1494, âgé de plus de soixante-dix ans : il était donc né environ l’an 1424 ; il faudrait donc qu’Altilius eût été son précepteur environ l’an 1440. Le précepteur d’un fils de roi n’est pas ordinairement fort jeune : il faut qu’il ait eu le temps de faire paraître son érudition : et, sans doute, le roi Alfonse, qui était savant, et environné de savans, n’aurait pas choisi Altilius, sans avoir examiné les preuves de sa noblesse littéraire. On peut donc supposer, qu’en 1440, Altilius aurait eu trente ans. Or, à peine était-il né : il ne vécut qu’un peu plus de soixante ans[4], et il mourut l’an 1501[5].

(B) Pontanus et Sannazar ne sont pas les seuls qui l’aient loué. ] Le Giraldi en parle très-avantageusement. Basile Zanchius a fait plusieurs vers à la louange d’Altilius, qui se trouvent dans les Délices des poëtes d’Italie, Jean-Matthieu Toscan dit beauconp de bien de lui, tant en vers qu’en prose[6] ; mais ceux qui voudront voir l’éloge de son esprit et de son cœur en même temps doivent lire Alexander ab Alexandro, qui a décrit assez amplement la manière dont lui et quelques autres furent régalés par Altilius, quand ils le furent féliciter de sa prélature[7]. Il leur donna un souper plus conforme à son premier état qu’à la dignité épiscopale dont il était alors revêtu : il n’avait pas encore répudié les Muses, ses premières maîtresses (supposé qu’il les ait jamais répudiées) ; ainsi l’entretien roula sur quelques vers de Martial, qui avaient été chantés par un jeune musicien.

(C) L’un des plus beaux poëmes d’Altilius est celui qu’il composa sur le mariage d’Isabelle d’Aragon. ] C’est par-là, et par ses élégies, qu’il acquit sa réputation : Usque adeò molliter ac admirandè in elegis et heroïco carmine excelluit, sicuti ex Epithalamio Isabellæ Aragoniæ perspici potest, ut Pontani atque Actii testimonio antiquis vatibus æquaretur[8]. Jules Scaliger a trouvé trop de profusion dans l’épithalame : voici le jugement qu’il en a fait : Gabriel Altilius epithalamium cecinit longè optimum, excellentissimum verò futurum, si sibi ille temperâsset. Dùm enim vult omnia dicere, afficit auditorem aliquandò fastidio tanto quantâ in aliis voluptate. Est enim nimius, quod vitium illi genti est peculiare. Est enim totis illis Italiæ tractibus perpetua loquendi fames [9]. Cela n’est guère obligeant pour ceux de Naples[10].

(D) On lui a reproché d’avoir negligé les Muses, qui lui avaient été si utiles. ] On a de la peine à digérer qu’un évêque soit l’auteur de ce reproche, et qu’il l’ait exprimé en termes si durs : Is virtutis merito Policastri (ea urbs olim Buxentum fuit) antistes factus, à Musis per quas profecerat, celeriter imipudenterque discessit, magno herclè ingrati animi piaculo, nisi ad spem non injustæ veniæ ob id culpa tegeretur, quòd ad sacras litteras nequaquàm ordinis oblitus tempestivè confugisset[11]. Voyez sur cela les réflexions judicieuses de M. Baillet[12]. Ces quatre vers de Latomus ne sont pas mauvais :

Audiit Altilius desertis transfuga Musis,
In quarum tabulis nobile nomen erat.
Sed quid peccavit si demereatur, ut olim
Carminibus Phœbum, nunc pietate Deum ?

  1. Pauli Jovii Elog., cap. CXXV.
  2. Ughelli Italia sacra, tom. VII, p. 796.
  3. Toppi, Bibliotheca Napoletana. pag. 101.
  4. Jovius, in Elogiis, cap. CXXV.
  5. Voyez ci-dessous, citation (17).
  6. In Peplo Italiæ.
  7. Alex. ab Alex. Genial. Dierum lib. V, cap. I.
  8. Jovius, Elogior. cap. CXXV.
  9. Jul. Cæsar. Scalig. Poëtices lib.VI, p. 736.
  10. Voyez la remarque (H) de l’article Alexander ab Alexandro, vers la fin.
  11. Paul Jovius, Elogiorum cap. CXXV.
  12. Baillet, Jugem. sur les Poëtes, tom. I, pag. 138. Voyez aussi tom. III, pag. 82.