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ALTHUSIUS.

sa cause ; et il suffisait de lui demander le nom de ceux qui avaient eu l’audace de traiter un apôtre si indignement. 2°. Qu’il se trompa lorsqu’il crut que son adversaire ne pouvait nommer personne. 3°. Qu’à force de le presser, il se fit convaincre d’avoir ignoré un point de fait dont la connaissance pouvait faire honneur à sa lecture et à sa bibliothéque. 4°. Qu’il se réfugia dans de petites chicaneries, qui ne servaient qu’à allonger les disputes, et qu’à multiplier les accessoires inutiles. Il est sûr que, dans l’usage ordinaire, l’on a droit de dire, lorsqu’on sait qu’un écrivain a débité quelque chose, qu’il y a des gens qui l’ont débitée. L’on n’est obligé à citer plus d’un témoin, que lorsqu’on a dit que beaucoup de gens, que plusieurs personnes, la rapportent. Mais Grotius n’avait point parlé ainsi ; son expression était vague : quidam dixêre, il y en a qui ont dit, ou quelques-uns ont dit. Il se tirait pleinement d’affaire, quoique l’auteur qu’il citait ne fût pas calviniste, mais luthérien ; et c’est vainement que Rivet allègue ce qui se passa aux conférences de Berne. Cela ne prouve point qu’Althamérus fût papiste : on en peut seulement conclure, qu’il était si opposé aux Zuingliens, sur le chapitre de la réalité, qu’il ne faisait point scrupule de la soutenir, même en faveur du papisme. Si Rivet a été content de lui-même dans cette partie de sa dispute, c’est une marque que les controversistes ne discernent guère l’essentiel d’avec les pointilleries.

ALTHUSIUS (Jean), jurisconsulte d’Allemagne, florissait vers la fin du XVIe. siècle. Il a fait un livre de politique. Quelques jurisconsultes de son pays s’emportent étrangement contre lui, parce qu’il a soutenu que la souveraineté des états appartient aux peuples (A). Il a fait un Traité de Jurisprudentiâ romanâ, un autre de Civili Conversatione, un autre qu’il intitule Dicæologia, etc.

J’oubliai de dire, dans les deux premières éditions, qu’il était de la religion protestante ; qu’après avoir été professeur en droit à Herborn, il eut à Brême la dignité de syndic, et que les jésuites, en répondant à l’Anti-Coton, le mirent dans le catalogue des protestans qui ont mal parlé de la puissance royale (B).

(A) Quelques jurisconsultes… s’emportent étrangement contre lui, parce qu’il donne la souveraineté des états aux peuples. ] Boëcler soutient que le principe d’Althusius n’est propre qu’à rompre tous les liens de la société civile ; et que son ouvrage, bien loin de mériter qu’on le recommande aux étudians, comme font plusieurs, est digne du feu : Omnes reges nihil aliud esse quàm magistratus… Althusio inter solennia carmina placet ; cujus Politica non tradit sanè, quî civitatis finis et felicitas et tranquillitas obtineri debeat, sed quibus modis omne vinculum societatis ac salutis civilis dissolvi ac everti possit. Demagogica appelles meritò ; et tamen, quia jurisconsulti nomen præfert, et quædam subindè in ostentationem ejus scientiæ jacit, commendari juventuti academicæ audimus librum orco damnandum judicio eorum qui venena à cibis distinguere didicerunt[1]. Voici le jugement qu’en fait le docte Conringius : Fundamentum doctrinæ suæ politicæ collocat in eo quod summa Reip. cujusvis jure sit penes solum populum : qui error pestilens est et turbando orbi aptus[2]. Un autre écrivain allemand s’est exprimé avec plus de force. In classem istam, dit-il [3], referendi sunt illi politicorum, qui majestatis πρῶτον δεικτικὸν populum faciunt, indè politici populares, et quia jugulum omnium principum ac regum petunt, monarchomachi dicti. Horum hominum nefanda dogmata refertìm habet Althusius in suâ Politicâ, Vulcano publico edicto consecrandâ.

(B) Les jésuites... le mirent dans le catalogue des protestans qui ont mal

  1. Boëcler. in Grotium de Jure Belli, lib. I, cap. III, num. 8, pag. 235.
  2. Conring. de Civ. Prudent., cap. XIV.
  3. Meyer. in Analys., lib. III Polit. Arist.