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ALPAÏDE.

Le concile de Pise avait envoyé à la faculté de théologie de Paris le livre de ce cardinal[* 1], afin qu’elle le fit réfuter. Elle choisit Almain pour cette corvée[* 2], et n’eut pas sujet de se repentir de son choix. Ce docteur mourut assez jeune, l’an 1515. On fit une édition de toutes ses Œuvres (A) à Paris, deux ans après[a]. Ceux qui ont dit qu’il était moine se trompent (B).

  1. * Leclerc reproche à Bayle d’appeler cardinal, à occasion d’un livre publié en 1512, Cajetan qui n’eut la pourpre qu’en 1517.
  2. * Leclerc assure qu’Almain entreprit cette réfutation uniquement de son chef.
  1. Launoius, Histor. Gymn. Navarr., p. 611.

(A) On fit une édition de toutes ses Œuvres. ] Ce fut Olivier Lugduneus qui prit cette peine, et qui y joignit une Préface, où Almain est loué très-amplement. Les principaux de ses Ouvrages sont quatre Traités de Morale. Expositio circa decisiones quæstionum magistri Guillelmi Occam de potestate summi Pontificis. De auctoritate Ecclesiæ et conciliorum. Dictata super sententias magistri Roberti Holcot[1].

(B) Ceux qui ont dit qu’il était moine se trompent. ] Le père Labbe [2] accuse Gesner et son abréviateur Simler, d’avoir avancé faussement ce fait : M. Moréri n’a point manqué de copier en cela le père Labbe. M. de Launoi intente cette accusation à Gesner, mais un peu mieux circonstanciée ; car il le blâme d’avoir dit dans sa Bibliothéque, qu’Almain avait été de l’ordre des franciscains : il ajoute que Possevin, dans son Apparat, s’est contenté de le faire moine [3]. Le père Labbe n’a pas employé cette distinction : il a dit qu’Almain a été moine, selon Gesner ; mais que, selon d’autres, il a été de l’ordre de saint François. Je ne crois point que Gesner ait dit ce qu’on lui impute ; car je n’ai pu rencontrer aucun lieu dans sa Bibliothéque, où il soit parle d’Almain. J’y ai bien trouvé un bénédictin nommé Almannus ; mais on lui assigne pour le temps où il a vécu l’an 890. Quant à Simler, il est fort vrai qu’il a dit que Jacques Almain, moine, a fait un livre contre le cardinal Cajetan. Au reste, M. Moréri n’a pas bien su l’âge de cet écrivain : il florissait encore, dit-il, au commencement du XVIe siècle. Dites plutôt qu’il ne commença à fleurir qu’en ce temps-là.

  1. Launoius, Hist. Gymnas. Navar., p. 611.
  2. De Script. Eccl., tom. I, pag. 488.
  3. Launoii Hist. Gymnas. Navar., pag. 614.

ALPAÏDE, concubine de Pépin, et mère de Charles Martel. Quelques auteurs assurent, sans beaucoup de fondement, que Pépin se maria avec elle, après avoir répudié Plectrude (A). C’est une opinion assez générale, que Lambert, évêque de Liége, n’eut jamais la lâcheté d’approuver les amours de Pépin pour cette maîtresse, et qu’Alpaïde, indignée de la liberté qu’il prenait de les censurer, fit consentir Pépin au dessein qu’elle forma contre la vie de ce prélat (B). On ajoute que Dodon, frère d’Alpaïde, fut l’exécuteur de cet abominable dessein ; et qu’après avoir fait ce meurtre, il tomba dans une maladie qui fit naître une infinité de vers sur son corps, et qui l’obligea à se jeter dans la Meuse [a]. Lambert a été canonisé : il fut, dit-on, le seul prélat qui osa dire ses vérités à Pépin (C), et il éprouva le même sort que saint Jean-Baptiste. Sa morale était si pure, qu’il ne voulut pas même donner la bénédiction qu’on lui demandait à table pour le verre d’Alpaïde (D). Cette femme se retira enfin dans un monastère[b], et y mourut. Un

  1. Mézerai, Abrégé Chron., tom. I, pag. 171, à l’année 707. Cordemoi, Hist. de France, tom. I, pag. 381.
  2. Moréri dit que ce monastère avait été