Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
AARSENS

Spyck, etc., était un des plus grands ministres que les Provinces-Unies aient eus pour la négociation (A). Son père, qui était un autre habile homme, était dans un poste où il lui était facile de faire donner de l’emploi à son fils (B). Jean d’Olden-Barnevelt, qui avait alors la principale direction des affaires de Hollande et de toutes les Provinces-Unies, le fit envoyer en France en qualité d’agent. Ce fut là où il apprit à négocier avec ces grands maîtres, Henri IV, Villeroi, Rosny, Silleri, Jeannin, etc. ; et il y réussit, en sorte qu’ils approuvèrent sa conduite. Il eut ensuite le caractère d’ambassadeur, et fut le premier qui fut considéré en cette qualité dans cette cour-là, et du temps duquel le roi Henri IV déclara que l’ambassadeur des Provinces-Unies prendrait rang immédiatement après celui de Venise. Il fut après cela employé auprès de cette république (C), et auprès de plusieurs princes d’Allemagne et d’Italie, à l’occasion des mouvemens de Bohème (D). Il a outre cela fait plusieurs ambassades extraordinaires en France et en Angleterre (E), dont il a fait des recueils fort exacts et très-judicieux. On y peut remarquer que toutes les instructions que l’état lui a données, et toutes les lettres de créance qu’il a emportées en ses dernières ambassades, sont toutes de sa façon : tellement qu’il faut croire qu’il était l’homme de tout le pays qui savait le mieux, non-seulement négocier, mais aussi instruire l’ambassadeur de ce qu’il devait négocier. Et de fait, il a fait honneur à l’état en toutes ses ambassades, aussi-bien qu’au caractère dont ses souverains l’ont revêtu ; quoique lui ni sa postérité ne doivent point (F) regretter le temps qu’il a employé au service de la patrie[a]. Il est mort fort âgé, laissant un fils (G) qui a passé pour le plus riche de Hollande, et qui a été fort connu sous le nom de monsieur de Sommerdyck[b].

  1. Tiré de Wicquefort, Traité de l’Ambassadeur, tom. II, pag. 435 et 436.
  2. C’est ainsi qu’on prononce, quoique le nom soit Sommelsdyck.

(A) Était un des plus grands ministres… pour la négociation.] Ses ennemis ne lui disputent point cette qualité ; car, quand ils disent qu’il[1] était le plus dangereux esprit que les provinces confédérées aient jamais porté, et d’autant plus à craindre, qu’il cachait toute la malice et toute la fourbe des cours étrangères sous la fausse et trompeuse apparence de la franchise et de la simplicité hollandaise ; qu’il était ardent et persuasif ; qu’il trouvait des raisons pour appuyer les plus mauvaises causes ; que[2] c’était un esprit intrigant, qui avait eu des liaisons et des intelligences avec des grands de France, dont les actions étaient non-seulement suspectes, mais odieuses au roi ; et qu’ayant gagné le secrétaire de l’ambassadeur de France à la Haye, il savait[3] les plus particulières intentions de cette couronne ; quand, dis-je, ils lui donnent ces qualités, ils en font l’homme du monde le plus capable des ambassades les plus importantes et des négociations les plus délicates. Au reste, M. du Maurier, qui se déchaîne cruellement contre François Aarsens, fournit lui-même aux lecteurs le moyen de ne se laisser pas préoccuper par ses invectives ; car il nous apprend que

  1. Du Maurier, Mémoires, pag. 376.
  2. Là même, pag. 378
  3. Là même, page 384.