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ALEGAMBE.

gnie, qui ont publié quelque chose depuis l’an 1675[* 1].

L’exactitude d’Alegambe est sans doute merveilleuse ; mais il ne laisse pas d’y avoir encore dans son livre quelques péchés d’omission et de commission. Il n’a pas toujours marqué la première édition des livres ; ce qui est un défaut important, et qui règne dans toutes les compilations qu’on a vues jusqu’ici. Personne ne s’est encore avisé de publier un recueil exact de toutes les éditions, et de marquer soigneusement la première. Gesner et ses continuateurs ont eu là-dessus une extrême négligence. Le père Satuel, voulant éviter le détail où Alegambe descend quelquefois un peu trop, est tombé dans une trop grande sécheresse. Il s’en faut bien qu’il ne fût né pour ce travail autant qu’Alegambe. Les curieux, je parle même de ceux qui l’excusent sur les ordres qu’il peut avoir reçus de ses supérieurs par rapport aux écrivains anonymes ou pseudonymes, mettent en cela son ouvrage fort au-dessous du précédent, où l’on trouve la découverte de tant d’écrivains cachés.

(C) Nous rapporterons le bien et le mal qu’on a dit de sa Bibliothéque des jésuites. ] M. Baillet nous fournira de quoi commenter le texte de cette remarque. Commençons par le beau côté.

Il dit[1] que la Bibliothéque des écrivains de la société…… est un grand recueil qui a surpassé de beaucoup tous ceux de cette nature, et qu’on le doit considérer comme un des plus achevez en ce genre : que, selon Nicolas Antoine[2], les jésuites ont fait voir par ce travail combien ils sont curieux et combien ils ont d’industrie pour les choses qui les regardent, et qu’ayant bâti sur les fondemens de Ribadeneira ils ont élevé ce grand édifice, dont la beauté consiste particulièrement dans la justesse et la proportion de ses parties, et dont toute la gloire est due à Alegambe, écrivain si sûr et si juste, qu’il ne faut point appréhender de se tromper avec lui, parce que non-seulement il est sans confusion, et qu’il ne prend jamais un auteur pour un autre ; mais encore en ce qu’il n’attribue point aux jésuites des livres qu’ils n’ont point faits, et qu’il est exact et fidèle à représenter ceux qui viennent véritablement de la société. M. Baillet ajoute, que ce n’est pas une médiocre louange. d’avoir évité avec tant de soin un vice dans lequel on a vu tomber la pluspart des autres réguliers qui ont écrit des Hommes illustres de leur ordre, et qui croyans faire honneur à leurs communautez en grossissant indifféremment et sans choix le nombre de leurs savans et de leurs saints, ont mis au rang de leurs confrères quantité d’auteurs qui n’en furent jamais ; au lieu qu’on n’en voit presque pas un dans la Bibliothéque de la Société, qui n’ait été jésuite ; qu’on n’y voit pas même les écrivains qui sont sortis de leur compagnie ; comme Papyre Masson, Gaspar Scioppius[* 2], Marc-Antoine de Dominis, Chrestien Francken, etc. ; ou que, si on les y voit, c’est seulement par rapport aux livres qui ont précédé leur sortie : que c’est ainsi de l’on y trouve François de Macédo, Portugais, qui de jésuite se fit cordelier, et Claude Dausquey, Flamand, qui quitta la société pour prendre l’aumuse à Tournai. Enfin, M. Baillet remarque que, selon l’auteur des Nouvelles de la République des Lettres[3], Alegambe a fort bien observé le gout de notre siècle, c’est-à-dire, de toutes les personnes de bon sens ; que ce goût consiste à voir régner l’exactitude chronologique dans tout ce qui a du rapport à l’histoire ; que c’est ce qui a fait donner l’approbation aux éloges d’Alegambe, qui marque partout le temps et le lieu de la naissance des auteurs, l’âge où ils se sont faits jésuites, leurs emplois, leurs principales actions, selon la suite des temps, et que cet ordre a je ne

  1. * Joly dit avoir vu le catalogue des manuscrits du père Bonanni, et qu’il n’y a pas un mot sur cette continuation. En revanche, il parle d’un nouveau continuateur qu’il ne nomme pas, et dont l’ouvrage n’a pas paru. Bayle, au surplus, avait cité son autorité.
  2. * Leclerc dit que jamais Scioppius n’a été jésuite.
  1. Baillet, Jugemens des Savans, tom. II, num. 112, pag. 139.
  2. Præfat. Biblioth. Scriptor. Hispanic.
  3. Au mois de juillet 1684, art. V, où il condamne indirectement ceux qui se contentent d’exprimer en belles phrases les qualités d’un homme, sans faire connaître ni sa patrie, ni sa famille, ni ses différens emplois ; et où il dit nettement, Qu’on ne saurait lire sans dépit, et sans se plaindre de la négligence de l’historien, La Vie de plusieurs empereurs de Rome ; qui ne nous apprend ni le lieu de leur naissance, ni leur famille, ni leur âge, ni la manière dont ils s’étaient avancés.