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ALCMÉON.

ALCMÉON, fils d’Amphiaraüs et d’Ériphyle, sœur d’Adraste, tua sa mère pour obéir au commandement de son père. Vous allez voir la raison d’un commandement si étrange. Amphiaraüs regardait Ériphyle comme la cause de sa mort. Il ne voulait point aller à la guerre contre les Thébains ; car, comme il était grand devin, il avait prévu que s’il y allait, il y périrait. D’ailleurs, il avait promis avec serment, que pour ce qui regarderait les disputes qu’il pourrait avoir avec Adraste, il s’en remettrait à tout ce que sa femme en ordonnerait. Ils eurent un différent sur l’expédition de Thèbes. Adraste voulait qu’Amphiaraüs s’y engageât. Amphiaraüs n’en voulait rien faire, et en détournait les autres. Ériphyle décida selon les désirs d’Adraste, après avoir été gagnée par le beau collier[a] que Polynice lui offrit [b], et qu’elle accepta sans avoir égard aux défenses que son mari lui avait faites de rien prendre de Polynice. Elle est devenue par-là un grand fonds de lieux communs et de pensées morales entre les mains des censeurs du sexe. On sait qu’Amphiaraüs, ayant pris la fuite lors de la déroute de l’armée, fut englouti par un abîme qu’un coup de foudre avait ouvert sur son chemin. Il avait donné ordre à ses fils, avant que de marcher contre Thèbes, qu’aussitôt que l’âge le leur permettrait ils tuassent Ériphyle. Tous les autres généraux, à la réserve d’Adraste, périrent dans cette guerre. Leurs fils résolurent dix ans après d’aller venger cet affront, et ils choisirent Alcméon pour leur généralissime. Ériphyle, gagnée encore par des présens, les sollicita à cette guerre. Thersandre, fille de Polynice, lui avait donné un collier[c] et une robe[d]. Alcméon, quelque envie qu’il eût de tuer sa mère avant d’accepter le généralat, marcha contre Thèbes sans avoir exécuté l’ordre d’Amphiaraüs. Cette expédition fut très-heureuse : les Thébains, par le conseil de Tirésias, abandonnèrent leur ville ; on la pilla et on la ruina. Alcméon, transporté d’une nouvelle colère, après avoir su qu’Ériphyle s’était laissé corrompre par des présens contre lui aussi, ne balança plus à la tuer lorsqu’il eut consulté l’oracle. Quelques-uns soutiennent que son frère Amphilochus l’assista dans ce parricide ; mais le plus grand nombre des auteurs nient cela. Alcméon, persécuté par les furies à cause de cette action, se retira à Psophis dans l’Arcadie, où il expia son crime entre les mains de Phégéus, selon les cérémonies ordinaires en pareils cas, et se maria avec Arsinoë[e], fille du même Phégéus, à laquelle il fit présent du collier et de l’habit qui avaient été donnés à Ériphyle. Une grande famine s’étant élevée, on eut recours à l’oracle, qui ordonna à Alcméon de se réfugier chez

  1. Voyez, touchant ce collier, les remarques de l’article Callirhoé.
  2. Hygin, chap. LXXIII, dit qu’Adraste donna le collier, et qu’Ériphyle découvrit le lieu où Amphiaraüs s’était caché.
  3. Fiez-vous plutôt à Diodore de Sicile, qui dit que Thersandre donna seulement le Peplum. Il ne pouvait pas donner le collier, puisque Ériphyle l’avait déjà.
  4. Nommée en grec Πέπλος.
  5. Pausan., liv. VIII, pag. 255, la nomme Alphésibée.