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ALCMÈNE.

Amovi à foribus maximam molestiam,
Patri ut liceret tuto illam amplexarier.
.........
Erroris ambo ego illos et dementiæ
Complebo, atque omnem Amphitruonis familiam
Adeò, usque satietatem dùm capiet pater
Illius quam amat[1].

(E) L’adresse d’une de ses servantes.... éluda les mauvaises intentions de Lucine[2] ] Je me suis réglé sur la narration d’Ovide. Il y avait sept jours qu’Alcmène était en travail d’enfant, avec des douleurs horribles. Galanthis, l’une de ses femmes, entrait et sortait ; et, se doutant d’un maléfice en voyant une femme qui marmottait, assise à la porte, les mains jointes sur ses genoux[* 1], elle lui alla dire qu’Alcmène était accouchée. Lucine (car c’était elle qui se tenait en cette posture) n’eut pas plus tôt ouï ces mots, qu’elle sépara ses mains et se leva ; ce qui fit accoucher Alcmène :

......... Subsedit in illâ
Ante fores arâ, dextroque à poplite lævum
Pressa genu, digitis inter se pectine junctis,
Sustinuit partus. Tacitâ quoque carmina voce
Dixit, et incæptos tenuerunt carmina partus.
........
Una ministrarum mediâ de plebe Galanthis,
Flava comas, aderat faciendis strenua jussis,
Officiis dilecta suis. Ea sensit iniqua
Nescio quid Junone geri, dumque exit et intrat
Sæpè fores, Divam residentem vidit in arâ,
Brachiaque in genibus, digitis connexa, tenentem ;
Et, quæcunque es, ait, dominæ gratare : levata est
Argolis Alcmene, potiturque puerpera voto.
Exsiluit, junctasque manus patefacia remisit
Diva potens uteri : vinclis levor ipsa remissis[3].


Pausanias ne raconte point la chose avec les mêmes circonstances. Il dit qu’on voyait à Thèbes la figure de certaines femmes[4], que Junon avait envoyées empêcher les couches d’Alcmène. La fille de Tirésias[5] les trompa, en criant qu’Alcmène était délivrée [6]. Du temps de Pline, on prenait encore pour un maléfice la posture dont j’ai parlé. S’asseoir auprès des femmes grosses, ou quand l’on médicamente quelqu’un les doigts entrelassez en forme de pigne, c’est un charme nuisible, et dit-on que de cela l’expérience s’en put voir lors qu’Alcmène enfanta Hercule : pire encore est-il, si l’on tient les mains accouplées contre l’un de ses genoils ou les deux. C’est ainsi que Vigénère[7] traduit ces paroles de Pline : Adsidere gravidis, vel cùm remedium alicui adhibetur, digitus pectinatìm inter se implexis, veneficium est : idque compertum tradunt Alcmenâ Herculem pariente. Pejus si circa unum ambove genua, item poplites alternis genibus imponi[8]. Nous verrons ailleurs [9] la liberté que Plaute a prise de supposer qu’Alcmène accoucha sans nulle douleur.

(F) On lui livra la tête du persécuteur d’Hercule, et elle lui arracha les yeux ] Apollodore nous apprend que les fils de ce héros trouvèrent un bon asile dans Athènes contre Eurysthée ; et qu’Hyllus, l’un d’eux, l’ayant tué, lui coupa la tête, et la donna à Alcmène : Καὶ τὴν μὲν κεϕλὴν ἀτοτεμὼν Ἀλκμήνῃ δίδωσιν. ἡ δε κερκίσι τοὺς ὀϕθαλμοὺς ἐξώρυξεν αυτοῦ[10]. Ejusque caput amputatum Alcmenæ dedit. Hæc autem illitextoriis radiis oculos effodit.

(G) On a raconté des choses bien merveilleuses touchant son tombeau. ] Agésilaüs, roi de Sparte, voulant faire transporter les reliques d’Alcmène à Lacédémone, envoya des gens à Haliarte, qui ouvrirent le tombeau de cette femme. On y trouva deux vases de terre, un brasselet d’airain, et une table de cuivre sur laquelle il y avait des lettres gravées, que personne ne connaissait. Comme elles étaient semblables à l’écriture des Égyptiens, Agésilaüs les fit copier, et envoya cette copie au roi d’Égypte ; et le pria de faire expliquer à ses prêtres ce que c’était, s’ils le savaient[11]. Plutarque ajoute qu’Agétoridas, député d’Agésilaüs, alla à Memphis, où le prophète Chonuphis déchiffra cette inscription. Elle contenait un ordre

  1. (*) Rabelais, l. 3, ch. 48, à fort bien rendu le texte d’Ovide et de Pline. Si M. Bayle l’avait su, c’était un passage à alléguer ici. Rem. crit.
  1. Plaut. Amphit., act. I, sc. II, vs. 1, 2, 3, 5 et seq.
  2. C’était la déesse des accouchemens.
  3. Ovid. Metam., lib. IX, vs. 298 et seqq.
  4. On les appelait ϕαρμακίδες. Nous les appellerions aujourd’hui sorcières.
  5. Elle s’appelait Historis,
  6. Pausan., lib. IX, pag. 290.
  7. Vigénère sur Philostrate, tom. II, fol. 17.
  8. Plinius, lib. XXVIII, cap. VI, p. 579.
  9. Dans la remarque (E) de l’article Teleboes.
  10. Apollodori Biblioth., lib. II, pag. 151.
  11. Plutarch. in libro de Socratis Genio, p. 576 et seqq.