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ALCINOUS.

souvint avec cris et larmes de son jeune mari et de ses enfans ; enfin, toutes les bonnes paroles de Xanthus, qui promettait de l’épouser, étant une trop faible consolation, elle se précipita dans la mer[a]. Grand exploit et bien digne de la déesse Minerve ! Voyez la remarque (C) de l’article Égialée, et la remarque (D) de l’article Myrrha.

  1. Parthenius, Eroticorum cap. XXVII.

ALCINOUS, roi des Phæaques, dans l’île qu’on nomme aujourd’hui Corfou, était fils de Nausithoüs [a], et petit-fils de Neptune et de Péribée (A). Il épousa Arète, sa nièce, fille unique de Rhexenor, fils de Nausithoüs, et en eut cinq fils et une fille nommée Nausicaa, de laquelle Homère dit beaucoup de bien[b]. Il loue encore davantage la mère, et il en fait une héroïne. Il fait aussi de fort longues descriptions du palais et des jardins d’Alcinoüs. À son dire, il y avait les plus excellens fruits du monde dans ces jardins : et cela, sans vicissitude d’hiver et d’été, mais tous les mois de l’année. C’est sans doute par ses jardins qu’Alcinoüs a principalement immortalisé sa mémoire (B). Il reçut avec beaucoup de civilité Ulysse (C), que la tempête avait jeté sur la côte des Phæaques : il lui offrit sa fille, et le fit mener à Ithaque, chargé de présens. Or, comme pendant le festin où il l’admit, celui-ci fit cent contes à dormir debout à toute la compagnie, on croit que cela fit naître quelques proverbes (D) qui étaient en usage parmi les anciens. Quoi qu’il en soit, le royaume d’Alcinoüs était un vrai pays de Cocagne : on y aimait la bonne chère et les commodités de la vie (E) : ce qui n’empêchait pas que les gens n’y fussent agiles et fort bons hommes de mer[c], et qu’Alcinoüs ne fût un prince très-juste, comme cela paraît par ces paroles : Ἀλκίνοος κραίνεσκε δικαιότατος βασιλήων[d].

  1. Homer. Odysseæ lib. VI et VII. Il ne faut pas dire Nasitoüs, comme Moréri.
  2. Homer. Odysseæ lib. VI, vs. 62.
  3. Homer. Odyss., lib VI, vs. 270 ; lib. VII, vs. 35, 107 ; lib. VIII, vs. 247, 253, et passìm alibi.
  4. Orpheus.

(A) Il était petit-fils de Neptune et de Péribée. ] Britannicus nous assure qu’Alcinoüs était fils de Phæax, et que Phæax l’était de Neptune et de Corcyre[1]. Je vois bien dans Étienne de Byzance le dernier de ces deux faits ; mais non pas que ce fils de Neptune et de Corcyre ait été le père d’Alcinoüs.

(B) C’est par ses jardins qu’Alcinoüs a principalement immortalisé sa mémoire. ] Tous les poëtes parlent à l’envi de ses jardins ; M. Lloyd en cite plusieurs passages ; contentons-nous de celui de Juvénal :

.............Illa jubebit
Poma dari, quorum solo pascâris odore,
Qualia perpetuus Phæacum autumnus habebat[2] ;


et joignons-y ce témoignage d’un auteur en prose : Antiquitas nihil priùs mirata est quàm Hesperidum hortos, ac regum Adonis[3] et Alcinoï[4]. M. Lloyd cite Théophile, patriarche d’Antioche, qui a parlé de ces jardins dans son troisième livre ad Autolicum ; mais il avertit que l’on y doit corriger la leçon Antinoüs, et substituer Alcinoüs. Il cite aussi

  1. Britann. in Juvenal, Satir. V, vs. 151.
  2. Juven. Satir. V, vs. 149.
  3. Je ne sais si Pline a bien entendu ce qu’il avait lu touchant les jardins d’Adonis. Ils n’étaient pas ce qu’il s’imagine. Voyez l’article Adonis, Remarque (E).
  4. Plinius, lib. XIX, cap. IV.