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ALCIAT.

de son prétendu mahométisme. Calvin et Bèze ont parlé de lui comme d’un fou à lier (F).

(A) Ils attirèrent Gentilis. ] J’ai suivi Aretius et Théodore de Bèze, qui s’accordent à débiter que Gentilis n’alla en Pologne qu’après que Blandrata et Alciat y eurent dogmatisé[1] ; et j’abandonne l’auteur de la Bibliothéque des Antitrinitaires, qui affirme qu’Alciat et Gentilis allèrent ensemble en Pologne, environ l’an 1562[2]. Stanislaüs Lubienietzki a dit à peu près la même chose : Valentinus iste, et Paulus Alciatus Pedemontanus, cùm Genevæ ob odia Calvini acerrima subsistere non possent, anno 1563 in Poloniam venerant[3]. Mais ces auteurs ne sont point assez exacts pour mériter la préférence. Hornius la mérite encore moins, lui qui a dit que George Blandrata et Paul Alciat, tous deux médecins (il se trompe à l’égard d’Alciat), se sauvèrent de Suisse en Pologne, épouvantés par le supplice de Servet et par celui de Gentilis. Dans la même page de son Histoire Ecclésiastique, il assure qu’ils suivaient le trithéisme de Valentin Gentilis[4]. Mais il est certain que l’hérésie d’Alciat était le pur socinianisme. On ne saurait mieux réfuter la chronologie de Hornius que par une lettre de Pierre Martyr, écrite à Zurich, le onzième de juillet 1558. On apprend à Calvin, dans cette lettre, qu’on avait vu Grégoire le médecin, accompagné de Jean Paul le Piémontais ; qu’on les exhorta à ne point rompre l’union de l’Église, et à se conformer au formulaire de l’église italienne de Genève ; qu’on n’y gagna rien, et que, de l’avis de Bullinger, on leur conseilla de vider la ville ; qu’ils le firent ; que le médecin dit qu’il s’en allait en Transylvanie, et que Jean Paul se retira à Chiavenne. Il faut lire dans Pierre Martyr, non pas Gregorium medicum, mais Georgium medicum, qui n’est autre que George Blandrata, tout comme Joannes Paulus Pedemontanus n’est autre que notre Alciat. Si Calvin ne disait pas expressément que tous ces hétérodoxes Italiens, et nommément Jean Paul Alciat, signèrent le formulaire, on serait fort tenté de penser que ceux dont parle Pierre Martyr refusèrent d’y souscrire. Quoi qu’il en soit, ils n’étaient plus à Genève peu après la signature ; car elle se fit le 18 de mai 1558, et ils étaient à Zurich le onzième de juillet suivant. Gentilis ne fut mis à mort qu’en 1566. Il était sorti de Genève quelques mois après la signature, et s’était retiré au pays de Gex, où il conféra avec Alciat : ce qui montre, ou qu’Alciat n’alla point à Chiavenne en sortant de Zurich, ou qu’il y demeura peu. Voyez l’article Blandrata, où je tâche de débrouiller l’ordre des temps par rapport à ces gens-là.

(B) À sa prière, le bailli de Gex avait mis Gentilis hors de prison[5].] On ne sait si les prières suffirent. Sandius insinue qu’il fallut donner de argent : In oppido nomine Gajum in carcerem conjicitur (Gentilis) undè cùm evadere non posset, quòd esset pauper, à socio suo Paulo Alciato redimitur, quem utpotè locupletem, prætereà verò nobili genere ortum, immò et militem, simili modo non audebant aggredi[6].

(C) Il mourut à Dantzick dans les sentimens de Socin. ] C’est de quoi on ne peut raisonnablement douter, après les preuves que Martin Ruarus [7] en a données. Il dit que cet homme, ayant vécu quelques années à Dantzick comme un bon chrétien, recommanda en mourant son âme à Jésus-Christ son sauveur, et puis il ajoute[8] : « Catherine Weimera, aïeule de ma femme, qui le connaissait familièrement et qui assista à sa mort, l’a souvent dit à David Werner Buttel son mari, qui est encore en vie, et il n’y a que trois ans qu’elle est morte. Ma belle-mère me dit encore hier qu’elle avait souvent

  1. Aretius, dans l’Hist. de la Condamnation de Gentilis. Voyez aussi la LXXXIe. Lettre de Béze.
  2. Bibliot. Antitrinit., pag. 20 et 27.
  3. Lubieniec. Hist. Reformat. Polon., p. 107.
  4. On trouve ces fautes dans l’édition de 1687 augmentée des Notes et de la Continuation de M. Leydecker.
  5. Histor. Reformat. Polon., pag. 107 ; Bibliot. Antitrinitat., pag. 27.
  6. Bibliot. Antitrinit, pag. 26.
  7. Lisez ainsi, et non pas Martin Bucerus, dans la Biblioth. Antitrinitat., pag. 27.
  8. Dans une lettre écrite à Calovius, et datée de Dantzick, a. d. iii. Non. Apr. 1640. C’est la XLVIIe de la première centurie des Lettres de Ruarus.