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ALCIAT.

historiale. Les éditions de cet ouvrage d’Alciat sont innombrables : dans celle de Thuilius, dont je me sers, il y a deux cent douze Emblèmes : ainsi j’ai été surpris que Paul Freher nous assure que ce livre ne contient que cent Emblèmes[* 1][1].

(N) Son écrit des Abus de la Vie Monastique est daté du 7 de juin 1553 ] Si cette date était bonne, il faudrait rejeter tous les auteurs qui mettent la mort d’Alciat au 12 de janvier 1550 ou 1551, et qui allèguent son épitaphe[2]. Mais on s’est trompé en datant cet écrit-là ; et je pense qu’il fut composé avant l’année 1520, et que c’est la même pièce qu’Alciat eut peur qu’Érasme ne fît imprimer ; Quod ut facias te quoque ipse oro : nec minus ut de unguibus Erasmi reglutines Orationem illam meam ad Matthiam Minoritam, cùm id quæso, ne si in cinerariorum istorum manus inciderit, parata sint mihi cum eis æterna bella[3]. C’est ce qu’il écrivit à son ami François Calvus, le 26 de septembre 1520. On a publié à Utrecht, en 1697, quelques lettres du même jurisconsulte qui nous apprennent bien des choses particulières, et surtout les louanges qu’il se donnait avec une vanité de fanfaron.

  1. * Leclerc remarque que Gesner, qui n’avait vu que l’édition de 1531, faite à Augsbourg, dit qu’elle contenait environ cent Emblèmes ; mais Freher ne cite pas Gesner.
  1. Paul. Freher. in Theatro.
  2. Voyez la remarque (E).
  3. Epist. Gudii, etc., pag. 80. Voyez aussi pag. 81, 82, et la Préface de M. Burinan.

ALCIAT (Jean-Paul), gentilhomme milanais, fut un de ces Italiens qui abandonnèrent leur patrie dans le XVIe. siècle, afin de s’unir à l’Église protestante, et qui ensuite s’amusèrent à tant raffiner sur le mystère de la Trinité, qu’ils formèrent un nouveau parti, non moins odieux aux protestans qu’aux catholiques. Alciat avait porté les armes : il commença ses innovations à Genève, de concert avec un médecin nommé Blandrata, et avec un avocat nommé Gribaud, auxquels Valentin Gentilis s’associa[a]. Les précautions que l’on prit contre eux, et les procédures sévères que l’on exerça contre ce dernier, rendirent les autres plus timides, et les engagèrent même à chercher un autre théâtre[b]. Ils choisirent la Pologne, où Blandrata et Alciat semèrent leurs hérésies avec assez de succès. Ils attirèrent Gentilis (A), qui ne manqua pas de les aller joindre[c]. Il avait l’obligation à Alciat, qu’à sa prière le bailli de Gex l’avait mis hors de prison (B). On prétend que de la Pologne ils passèrent en Moravie. Nous dirons en son lieu quelle fut la destinée de Gentilis. Pour ce qui est d’Alciat, il se retira à Dantzick, et y mourut, dans les sentimens de Socin (C), car il n’est pas vrai qu’il se fit Turc (D). Il avait écrit deux lettres à Grégoire Pauli, l’une en 1564, l’autre en 1565, datées de Husterilts, où il soutenait que Jésus-Christ n’a commencé d’être qu’à sa naissance de la sainte Vierge[d]. On a donc eu raison de blâmer Moréri, qui l’avait fait arien, et puis mahométan[e]. Peut-être qu’avant que de se retirer à Dantzick, il avait fait un tour en Turquie, sans avoir dessein de s’y faire renégat, mais seulement d’y être à couvert des persécutions (E) ; et c’est peut-être ce qui donna lieu au bruit qui a tant couru et qui court encore,

  1. Voyez Aretius, dans l’Histoire de la Condamnation de Gentilis.
  2. Beza, in Vitâ Calvini.
  3. Id. ibid.
  4. Bibliot. Antit. init., pag. 28.
  5. Voyez son Dictionnaire, au mot Alciat, où on le réfute.