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ALCIAT.

semines, quos conjectabis idoneos esse ; ut in Avenionensem Academiam litteras harum rerum indices dent[1]. Son ami faisait des cabales à Padoue pour obliger les écoliers allemands à demander à la république de Venise que l’on fît venir Alciat[2]. Celui-ci le pria de s’abstenir de cette peine, vu qu’il s’était engagé pour deux ans à la ville d’Avignon. Sa lettre est datée du 26 de septembre 1520. Quelles bassesses ! quel amour sordide du gain !

(E) M. de Thou.…. était mal instruit de son histoire. ] Il suppose 1°. qu’Alciat, après avoir enseigné long-temps à Bourges, fut professeur à Avignon ; c’est tout le contraire : 2°. qu’Alciat sortit de France sur le déclin de son âge ; il n’avait qu’une quarantaine d’années, plus ou moins : 3°. qu’Alciat, de retour en Italie, lut premièrement à Bologne, et puis à Ferrare ; il lut à Pavie, avant que d’aller à Bologne : 4°. qu’Alciat mourut l’an 1551 ; son épitaphe marque le 12 de Janvier 1550. Il est vrai que quelques auteurs rapportent qu’elle donne cinquante-huit ans, huit mois, et quatre jours, à Alciat : ce qui prouverait qu’il mourut le 12 de janvier 1551 : mais d’autres rapportent qu’elle ne lui donne que cinquante-sept ans, huit mois, et quatre jours[3]. L’erreur de M. de Thou est moindre que celle de Forsterus, adoptée par M. Doujat [4], et que celle d’Imperialis. Celui-ci met la mort d’Alciat à l’année 1559[5]. Forsterus la met à l’année 1548[6]. Mais remarquons principalement la fausseté d’un astrologue, qui, ayant dit qu’Alciat mourut à Ferrare l’an 1546, ajoute que ce fut d’une blessure de Saturne et du Soleil : Andreas Alciatus didicit litteras græcas à Pomponio Gaurico Patavii… obiit Ferrariæ anno 1546, ex Saturno in oppositione horoscopi, et Sole Martis tetragono sauciato. In conversione annuâ non solùm directiones Aphetarum, sed annuæ conversiones penitùs commaculatæ interimunt[7]. Voilà ce que Luc Gauric marque au-dessous de la figure de nativité de notre jurisconsulte, Il le fait naître le 8 de mai 1492, à une heure 30 minutes après le lever du soleil. Ne voilà-t-il pas un bel art ! il a des règles, selon lesquelles un homme devait mourir plusieurs années avant sa mort. J’ai lu une lettre d’Alciat, datée du 3 de septembre 1530, où il assure qu’il ne fait qu’entrer dans sa trente-septième année, ou qu’il n’a guère que trente-sept ans : Vix trigesimum et septimum annum attingenti[8]. Cela prouverait qu’il naquit en 1494, ou en 1493.

(F) Il fit sur-le-champ une harangue à François Ier., qui était entré dans son auditoire. ] Minos rapporte ce fait : Panzirole n’en dit rien ; mais, au lieu de cela, il assure que le dauphin, ayant assisté à une leçon d’Alciat, lui fit présent d’une médaille qui valait quatre cents écus. C’était celle que les habitans avaient donnée au dauphin. Je l’ai déjà dit en d’autres rencontres, dès qu’un fait de la nature de celui-ci varie dans les auteurs, ou ne paraît point dans la plupart de ceux qui font l’éloge d’une personne, il mérite de passer pour fort douteux. Cependant, il faut excepter celui-ci de cette règle ; car on trouve parmi les œuvres d’Alciat[9] le discours qu’il fit quand François Ier. assista à une de ses leçons.

(G) Le vrai remède de son humeur inconstante. ] Si j’avais voulu me prévaloir de tout ce que j’ai rencontré dans les auteurs sur les divers déménagemens d’Alciat, j’aurais pu le faire paraître encore plus inconstant qu’il ne l’a été ; mais j’eusse fait conscience de le charger davantage. C’est bien assez que d’Avignon il se soit transporté à Bourges, de Bourges à Pavie, de Pavie à Bologne, de Pologne à Pavie, de Pavie à Ferrare, de Ferrare à Pavie ; et cela avant l’âge de soixante ans, Thevet arrange si mal ce qu’il dit de ce docte jurisconsulte, qu’il n’y a point de lecteur qui n’en infère qu’Alciat retourna en France, après que le duc de Milan l’eut tiré de Bourges. Nous avons vu que Panzirole l’envoie de Pavie à Avignon. M. Moréri l’envoie de Bourges

  1. Epist. Gudii, etc., pag. 79.
  2. Ibidem, pag. 78.
  3. Ghilini, Teatro de’ Letterati, parte I, pag. 11.
  4. Doujat. Prænot, Canon., pag. 619.
  5. Imper. in Musæo Histor., pag. 52.
  6. Forsteri Histor. Juris Civil., lib. III, cap. XLI, pag. 542.
  7. Lucas Gauricus in Schematib., folio 73.
  8. Epist. Gudii, etc., pag. 106.
  9. Au IVe. tome, pag. 870 de l’édition de Francfort, en 1617.