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ALCIAT.

gagèrent à cette retraite, celle-ci fut la principale, qu’on ne lui payait point ses gages assez promptement depuis que la ville d’Avignon s’était endettée à cause de la maladie contagieuse : outre qu’on lui fit entendre que, si la peste revenait, il faudrait qu’il consentît à une diminution de gages. Il rejeta cette condition[1]. Il s’appliqua au barreau dans sa patrie, et trouva cet emploi plus lucratif qu’il ne l’avait espéré[2]. Il s’arrêta en Italie jusqu’à ce qu’il eût accepté la profession qui lui fut offerte dans l’académie de Bourges[3][* 1]

(C) François Ier... l’attira à Bourges..... en 1529. ] J’ai mieux aimé suivre Minos et M. Catherinot[4], que Panzirole. Ce dernier anticipe d’un an cette vocation : Deindè, anno 1528 Bituriges quò magna studiosorum rnultitudo ad ejus famam confluxit, amplo 1200 aureorum stipendio à Rege Francisco est conductus[5]. Je n’objecte point à Panzirole, que la pension ne fut d’abord que de dix-huit cents francs[* 2], et qu’en la doublant l’année suivante, on la porta à la somme qu’il a marquée : j’ai de plus grands reproches d’inexactitude à lui faire. Il dit 1°. qu’Alciat ne put demeurer en France que peu d’années, parce que François Marie, duc de Milan, lui ordonna de revenir, et le menaça de la confiscation de tous ses biens en cas de désobéissance ; 2°. qu’Alciat, étant retourné chez lui, enseigna quelques années à Pavie, jusqu’à ce que, à cause des guerres, il s’en allât à Bologne, l’an 1532. Il est certain qu’Alciat séjourna cinq ans à Bourges : cela paraît par les vers qu’il fit en la quittant :

Urbs Biturix, invitus amant le desero amantem,
Quinque per æstates terra habitata mihi[6].


Puis donc qu’au dire de Panzirole il y avait été appelé l’an 1528, il faut qu’il ne l’ait quittée qu’en 1533. Comment aurait-il donc pu enseigner quelques années à Pavie depuis sa sortie de Bourges, et aller ensuite à Bologne l’an 1532 ? Sa Dissertation du Duel, dédiée à François Ier., est datée d’Avignon le Ier. de mars 1529. La préface de ses Paradoxes est datée de Bourges le 24 d’août 1529. Voilà qui est décisif contre Panzirole. Il nous reste deux faussetés à relever : l’une de M. Moréri, l’autre de Paul Freher. Celui-là dit que la libéralité de François Ier. attira Alciat en France, où il enseigna à Avignon : selon celui-ci, Alciat alla enseigner dans cette ville, lorsqu’il ne faisait que de sortir de l’école de Parrhasius[7]. C’est une fausseté absurde que de dire que la libéralité d’un roi de France fait venir un professeur au pays d’autrui ; et qui ne sait, que depuis qu’Alciat eut quitté l’école de Parrhasius, il alla étudier à Pavie et à Bologne, et qu’il fut reçu docteur en 1517, et qu’il fit imprimer des livres avant que de professer dans Avignon ?

(D) Il se servit d’une ruse pour obtenir une augmentation de gages. ] Ce fut de faire par ses intrigues qu’on lui adressât une vocation de la part de l’académie de Padoue. Vossius, qui m’apprend cela, craignait qu’en différant de répondre à ceux qui lui offraient une profession dans l’académie de Cambrige, il ne se fût rendu suspect d’un pareil manège ; car, ajoute-t-il, la plupart des gens en usent ainsi : Quis rerum mearum ignarus, aliud sibi persuadere possit, quàm diutinam hanc in respondendo cessationem indè duntaxat, aut potissimùm saltem, promanare, ut vocatione anglicanâ aliquid mihi apud Batavos lucelli acquiram ? Scimus id plerisque moris esse. Nec notam hanc effugit summus jurisconsultus, Andreas Alciatus, cùm Biturigibus Patavium vocaretur. Et ille quidem callidè hoc egerat ipse, ut vocaretur. Mihi, ut scis, ne per somnium tale quid cogitanti spontè apud vos professio oblata est. Ille item, immane quantùm aucto stipendio, apud Biturigias remansit. Ego, uti hoc nunquàm egi, ita nec

  1. * Leclerc prouve encore que, lorsque Alciat quitta l’Italie ou il se trouvait mal, il n’avait d’autre intention que de venir à Avignon, dans l’espoir d’y trouver un poste.
  2. * Leclerc remarque que les écus ne valant alors que deux livres ou francs, la pension n’était d’abord que de 1200 fr.
  1. Ibid., pag. 96.
  2. Ibidem.
  3. Ibid., pag. 106.
  4. Il dit, dans la première page de son Calvinisme de Berri, qu’Alciat fit sa première leçon à Bourges, le lundi 19 d’avril 1529.
  5. Panzirol. de Clar. Leg. Interpretibus, lib. II, cap. CLXIX.
  6. Minos, in Vitâ Alciati.
  7. Freheri Viror. illustr. Theatrum. p. 826.