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ALCIAT.

zirole est d’ailleurs suspect de fausseté ; il marque une extrême négligence : on y voit qu’Alciat n’a point encore vingt-trois ans en 1517 ; et cependant son épitaphe, rapportée par Panzirole trois pages après, témoigne qu’il avait près de cinquante-neuf ans au mois de janvier 1550 : il en avait donc vingt-cinq en 1517. Ce que Panzirole assure, qu’Alciat publia ses Paradoxes et ses Dispunctiones, environ l’an 1517, ne peut pas être éclairci par Claude Minos ; car jamais chaos de livre ne fut plus absurde que l’endroit où ce dernier écrivain a parlé de l’édition des Paradoxes d’Alciat. Duodecim post annos, dit-il[1], cùm civilis et pontificii juris professoriis insignibus donatus esset, Paradoxa et Dispunctiones in publicum emisit, opus, ut ipse dicit, elaboratum horis succisivis, et à candidato adhuc et tirone. On ne saurait comprendre à quoi se rapporte le terme duodecim[* 1] ; car tout ce qui précède est le récit de diverses stations d’Alciat, et de sa manière d’enseigner le droit. Si l’on pouvait entendre par ces paroles de Minos, qu’Alciat publia ses Paradoxes douze ans après sa promotion au doctorat, on dissiperait tout le chaos ; mais alors, que deviendrait Panzirole, qui place l’édition de ce livre environ le temps du doctorat, c’est-à-dire environ l’an 1517 ? Que deviendrait Tiraqueau, qui assure « qu’Alciat fit un ouvrage important vers l’âge de vingt ans[2] ? C’est celui que nous avons sous le titre de Paradoxes du Droit civil, qu’il divisa en six livres, et qu’il dédia au chancelier Du Prat, étant à Bourges, en 1529, douze ans après l’avoir publié dans son pays, en prenant le bonnet de docteur, mais dix-sept ou dix-huit ans après l’avoir composé[3]. » L’ouvrage que je cite m’apprend que le coup d’essai d’Alciat fut l’Explication et la correction des termes grecs qui se trouvent dans le Digeste ; que ce livre parut d’abord en Italie, et quelques années après à Strasbourg, en 1515. J’ai lu quelque part[4], que la première dédicace qu’Alciat ait faite de ses Œuvres est de l’année 1513, et que c’est celle des trois derniers livres du Code. Ce qu’il y a de bien sûr, c’est qu’il publia ses Paradoxes, dédiés au chancelier Antoine Du Prat, environ l’an 1517[5]. Il publia environ le même temps ses Dispunctiones dédiées à Jean de Selve, président du sénat de Milan, et ses Prætermissa, dédiés à Jacques de Minut, conseiller au même sénat, et ancien professeur en jurisprudence à Orléans. Il était professeur à Avignon dès l’année 1521 ; car dans l’Épître dédicatoire de son Traité de Verborum Significatione, datée de Bourges le 1er. mai 1529, il dit qu’il y avait huit ans qu’il l’avait dicté à ses écoliers.

Je viens d’apprendre que Budé, dans une lettre écrite à Christophle Longueil, au mois de février 1520[6], a fait mention d’une visite qu’Alciat lui avait rendue quelque temps auparavant à Avignon. C’est M. de la Monnaie qui m’a fait part de cette particularité. J’ajoute qu’on a publié à Utrecht quelques lettres de notre Alciat, qui témoignent qu’il était professeur en jurisprudence à Avignon dès l’an 1518[7] ; que ses gages montaient à cinq cents écus ; et qu’il avait sept cents auditeurs. Deux ans après, il écrivit qu’on lui donnait six cents écus, et quelques autres gratifications ; et que son auditoire était composé de plus de huit cents personnes, parmi lesquelles on pouvait compter des prélats, des abbés, des comtes[8]. Il quitta cette profession, et s’en retourna à Milan, vers la fin d’octobre 1522[* 2]. Entre plusieurs choses qui l’en-

  1. * « Si, dit Joly, Bayle avait su que Mignault traduisit lui-même la vie d’Alciat.…. il aurait pu voir que Mignault a effectivement voulu dire qu’Alciat mit au jour ses Paradoxes douze ans après qu’il eut reçu le bonnet de docteur. » Joly, pour discuter l’âge d’Alciat, s’appuie ensuite sur J. de Nevisan qui parle de cet auteur à du fin du premier livre de sa Sylva nuptialis, mais l’édition de 1519 qu’il cite de ce livre est tout-à-fait inconnue ; la plus ancienne paraît être de 1521. Alciat avait alors vingt-neuf ans.
  2. * Leclerc prouve qu’il y était dès le 5 avril 1521.
  1. Minos, in Vitâ Alciati.
  2. Tiraq. de Jur. Primigen., pag. 158, cité par Baillet, Enfans célèbres, pag. 126, où vous trouverez aussi cités Ghilini, Theatrum Litterat., pag. 1, et Picinell. Athen. Milan, pag. 26, 28.
  3. Baillet, Enfans célèbres, pag. 126.
  4. Dans les Recherches de Pasquier, liv. IX, chap. XXXIX, pag. 901.
  5. Voyez la préface des Paradoxes, au-devant de l’édition de 1529.
  6. À commencer l’année au mois de janvier.
  7. Epist. Gudii, etc., pag. 76.
  8. Epist. Gudii, etc., pag. 78.