Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
380
ALCIAT.

Il n’avait pas encore cinquante-huit ans accomplis. Paul III lui fit un accueil honorable en passant par Ferrare, et lui offrit de l’avancement dans les dignités ecclésiastiques. Alciat se contenta de celle de protonotaire, et ne voulut point renoncer à la profession en droit (H). L’empereur le créa comte palatin et sénateur. Philippe, roi d’Espagne[* 1], passant par Pavie, lui fit présent d’une chaîne d’or. On croit que la maladie dont Alciat mourut lui était venue d’avoir trop mangé [a] ; car il avait le défaut d’être non-seulement fort avare, mais un grand mangeur (I). C’était un gros homme et de grande taille[b]. Après que sa mère fut morte dans un âge fort avancé, il eut envie d’employer son bien à la fondation d’un collége ; mais ayant reçu un affront de quelques écoliers insolens, il abandonna ce dessein, et choisit pour son héritier François Alciat, jeune homme de grande espérance, qu’il avait élevé chez lui [c], quoique leur parenté fût fort éloignée[d]. Ce François Alciat succéda et aux biens et à la chaire d’André, et se rendit célèbre à Pavie par ses leçons de jurisprudence. Le cardinal Borromée, qui avait été son disciple, le fit venir à Rome, et lui servit de si bon patron auprès de Pie IV, qu’il lui fit avoir un évêché, la charge de dataire, et un chapeau de cardinal[e]. On a quelques Traités de jurisprudence de ce cardinal Alciat, qui mourut à Rome, au mois d’avril 1580, âgé d’un peu plus de cinquante ans. Voyez Nicius Erythreus, au chapitre XLVII de sa seconde Pinacotheca. Ceux qui disent que notre André passa toute sa vie dans le célibat, se trompent (K). Il s’érigea de très-bonne heure en auteur, comme je l’ai observé dans la remarque (B). Il a publié beaucoup de livres en droit, et quelques Notes sur Tacite, la latinité duquel lui paraissait d’une extrême dureté (L). Muret s’emporta beaucoup contre cette délicatesse dans l’une de ses harangues[f]. Alciat n’en sentit rien, car il était déjà mort ; mais d’autres critiques, et nommément Floridus Sabinus, qui l’attaquèrent de son vivant, lui firent bien sentir leurs dents et leurs ongles[g]. Ses Emblèmes ont été fort estimés, et ont mérité que trois ou quatre savans les aient ornés de Commentaires (M). On a trop loué ses poésies, comme M. Baillet l’a remarqué

  1. (*) Alciat, à qui on veut que Philippe ait fait présent d’une chaîne d’or, mourut en 1550. Or ce prince ne parvint à la couronne que par l’abdication de l’empereur son père, en 1556. Si M. Bayle avait fait cette réflexion, il aurait dit prince d’Espagne, et non pas roi d’Espagne. Du reste, cette petite inadvertance est proprement de Panzirole que M. Bayle ne fait ici que copier. Rem. crit.

    lib. II, cap. CLXIX. Voyez touchant le temps de sa mort la remarque (E), à la fin.

  1. Ex cibo quem largiorem sumere consueverat morbum contraxit. Idem, ibid.
  2. Vir fuit corpulentus, proceræ staturæ. Panzir. de Claris Legum Interpretibus, lib. II, cap. CLXIX. M. Teissier, tom. II, pag. 394 de ses Éloges, lui donne pourtant une taille médiocre.
  3. Il n’est donc pas vrai qu’il y eût à Naples, en 1686, un petit-fils du grand Alciat. Voyez le Voyage du Docteur Burnet, pag. 339, édition de Rotterdam, en 1683. Il aurait fallu d’ailleurs qu’il eût été fort vieux.
  4. Moréri la fait de l’oncle au neveu.
  5. Panzir. de Claris Leg. Interpret., lib. II, cap. CLXIX.
  6. C’est la XVIIe. du IIe. tome. Voyez aussi Bodini Meth. Hist., cap. IV, p. 85.
  7. Cl. Minos, in Vitâ Alciati.