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ALCÉE.

mais il y a de l’apparence que la pièce intitulée Cælum était du premier, puisque Macrobe la cite comme tragédie[a]. Je trouve dans Plutarque un poëte Alcée qui diffère de tous les précédens [b], et qui est peut-être le même que celui dont Porphyre a fait mention comme d’un faiseur d’iambes satiriques et d’épigrammes, qui avait fait un poëme touchant les larcins de l’historien Éphore[c]. L’Alcée de Plutarque vivait en la 145e. olympiade, l’an de Rome 555, comme il paraît par la chanson qu’il composa sur la bataille que Philippe, roi de Macédoine, perdit dans la Thessalie. Cette chanson faisait fuir Philippe plus vite qu’un cerf, et amplifiait le nombre des morts, afin de lui faire plus de dépit. Néanmoins Plutarque assure que Titus Flaminius, qui avait gagné cette bataille, se trouva plus choqué des vers d’Alcée que Philippe, à cause que la chanson nommait les Étoliens avant les Romains, et semblait par-là donner aux Étoliens le principal honneur de cette victoire. Philippe se défendit contre la chanson d’Alcée par une autre chanson (A). Il faut avouer que Plutarque donne au consul romain une sensibilité bien outrée. On parle aussi d’un Alcée messénien qui vivait sous l’empire de Vespasien et sous celui de Titus[d]. Il y a quelques-unes de ses épigrammes dans l’Anthologie. Je ne sais point lequel de tous ces Alcées souffrit pour ses impudicités un genre de mort bien singulier (B). M. Vossius, à la page 42 de ses notes sur Catulle, croit que ce fut celui qui satirisa Philippe, roi de Macédoine. Il le prend pour le comique, et se trompe, puisque ce comique était contemporain d’Aristophane.

  1. Macrob. Saturn., lib. V, cap. XX.
  2. Plat. in Flaminio, pag. 373.
  3. Porphyr. apud Euseb. Præpar. Evang. lib. X, cap III, pag. 467.
  4. Tzetzes in Lycophr. apud Gyrald. de Poët. Dial. X, pag. 512, edit. anni 1696.

(A) Philippe se défendit contre la chanson d’Alcée par une autre chanson. ] Voici quelle en était la substance :

Sans feuille aucune, et sans escorce aussi,
Ami passant, on a fait ici tendre,
Sur ce costeau cette potence-ci,
Expressément pour Alcæus y pendre[1].

(B) Un de ces Alcées souffrit un genre de mort bien singulier. ] M. Vossius rapporte[2] cette épitaphe tirée d’une Anthologie, qui n’est encore qu’en manuscrit :

Ἀλκαίου τάϕος οὗτος ὂν ἔκτανεν ἡ πλατύϕυλλος
Τιμωρὸς μοιχῶν γῆς θυγάτηρ ῥάϕανος.


Cela signifie qu’Alcée mourut de la peine des adultères, qui consistait dans une certaine manière d’empaler. C’est qu’on leur fichait au fondement une des plus grosses raves que l’on trouvât. Au défaut de raves, on prenait un poisson, qui avait la tête fort grosse, comme nous l’apprend le scoliaste de Juvénal sur ces paroles de la Xe. Satire, quosdam mœchos et mugilis intrat. Par-là, on comprend cette menace de Catulle :

Ah ! tùm te miserum, malique fati,
Quem attractis pedibus, patente portâ,
Percurrent raphanique mugilesque[3].


Lucien parle de cette sorte de punition ; mais il ne décide pas si le criminel en mourait, et n’est pas peu différent de son scoliaste. Ils disent tous

  1. C’est ainsi qu’Amiot a traduit ce grec : Ἄϕλοιος και ἀϕυλλος, ὁδοιπόρε, τῷ δ᾽ ἐπὶ νώτῳ Ἀλκαίῳ ςαυρὸς πήγνυται ἠλιϐατος. Plutarch. in Flam., pag. 373.
  2. lsaac Vossius in Catullum, pag. 42.
  3. Catul. Epigr. XVI, vs. 17. Voyez sur ce passage Parthenius, Muret, Achille Statius.