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ALABASTER.

Il est certain que les juifs pouvaient répondre à l’objection des six mille ans, si la Bible était telle que nous l’avons aujourd’hui ; car il s’en faut bien qu’elle ne nous donne ce nombre d’années depuis Adam jusqu’à Jésus-Christ.

(D) Les juifs lui donnent de grands éloges. ] Ils l’appelaient Sethumtaah [1], c’est-à-dire, l’Authentique. Il faudrait un volume tout entier, dit l’un d’eux[2], si l’on voulait parler dignement de lui. Son nom, dit un autre, a parcouru tout l’univers, et nous avons reçu de sa bouche toute la loi orale : Hujus nomen (inquit Autor Libri Zemach David) exiit ab uno extremo mundi usque ad aliud, atque totam legem oralem ex ejus ore accepimus [3].

(E) Et croient qu’il leur a appris toute la loi non écrite. ] Voyez le passage qu’on vient de citer, et le livre que le père Paul Pezron a publié à Paris, l’an 1691[4]. On y trouve [5], que Rabbi Akiba, fils de Joseph, est le premier compilateur des Deuteroses, ou des traditions judaïques, et le chef des traditionnaires ; qu’il ramassa les traditions qu’Hillel, Siméon, et autres anciens docteurs, avaient inventées ; qu’il y en ajouta d’autres de son invention ; qu’elles eurent cours toutes ensemble jusqu’à la fin du Ve. siècle, auquel temps on y en joignit d’autres, dont le Talmud fut composé ; qu’Akiba[6] se servit du rabbin Meïr, le plus célèbre de tous ses disciples, pour rédiger par écrit une partie de ces traditions dont on a depuis composé la Misne[7] ; qu’il fut assesseur du patriarche[8], et le maître d’Aquila, et du rabbin José, qui est l’auteur de la Grande Chronique des Juifs[9] ; qu’il devint chef des écoles judaïques, la même année que Josephe acheva ses Antiquités ; qu’il occupa cette place durant quarante ans ; qu’il est très-souvent cité dans le Pirke-Eliezer ; et qu’il souhaitait la damnation éternelle à tous ceux qui liraient les ouvrages des chrétiens.

(F) Ses préceptes de garde-robe. ] La nation judaïque a été livrée à un tel esprit de puériles et de chimériques observances, que leurs plus graves docteurs ont étendu le Rituel jusques aux actions les plus machinales, comme est celle d’aller au privé. Malheur à qui ne sait pas bien s’orienter ; car les quatre points cardinaux de l’horizon ne sont pas également favorables. Je ne puis dire qu’en latin le reste de leurs ridicules superstitions. Dixit R. Akiba, ingressus sum aliquandò post rabbi Josuam in sedis secretæ locum, et tria ab eo didici. Didici 1°. quòd non versus orientem et occidenten, sed versus septentrionem et austrum, convertere nos debeamus. Didici 2°. quòd non in pedes erectum, sed jam considentem se retegere liccat. Didici 3°. quod podex non dextrâ sed sinistrâ manu abstergendus sit. Ad hæc objecit ibi Ben Hasas ; usque adeò verò perfricuisti frontem erga magistrum tuum ut cacantem observares ? Respondit ille, legis hæc arcana sunt, ad quæ discenda id necessariò mihi agendum fuit[10]. Voilà un merveilleux docteur, qui, même sur sa chaise percée, expliquait sans dire mot les mystères de la loi.

  1. Vide Jo. à Lent, de Pseudo-Messiis, p. 9.
  2. Zacutus in Juchasia, pag. 66, apud Leut, pag. 19.
  3. Konig, Biblioth., pag. 19.
  4. Intitulé, Défense de l’Antiquité des Temps.
  5. Pag. 61.
  6. Pag. 63, ex Tzemach David., pag. 99.
  7. Les Juifs prétendent que le rabbin Juda qui la compila, naquit le même jour qu’Akiba mourut. R. Juda princeps natus est illo die quo obiit R. Akiba, de quo ajunt, sol exortus est et sol occidit. Voyez Pezron, Défense de l’Antiquité des Temps, pag. 70.
  8. Nerva permit aux Juifs de se choisir un Patriarche de leur nation.
  9. Ex Hieronymo in cap. VIII Isaiæ.
  10. Ex Barajethâ in Massech. Berachos, fol. 62, apud Leut, pag. 10.

ALABASTER (Guillaume), théologien anglais, naquit à Hadley, dans le comté de Suffolk. Il fut un des docteurs du collége de la Trinité à Cambridge, et il accompagna le comte d’Essex, en qualité de chapelain, à l’expédition de Cadix, sous le règne d’Élisabeth. On veut que les premières pensées de changer de religion lui soient venues, pour s’être laissé éblouir à la pompe des églises de la communion romaine et au respect dont il lui sembla